mardi 31 décembre 2013

ADVAITA | un mot Sanskrit qui signifie " pas deux "
L’Advaita, une des six écoles de la philosophie hindoue orthodoxe, est considérée comme étant une branche de l’école dominante et la plus influente de toutes celles du Vedanta. Advaita signifie " non-dualité " et fait aussi référence à " la fin des Védas ". La première personne à en consolider les principes de façon explicite était Adi Shankaracharya au VIIIè siècle, alors que le propagateur historique de l’Advaita était Gaudapada [grand Guru de Shankara]. Au VIIIè siècle, Gaudapada rédigea le tout premier traité systématique disponible sur l’Advaita intitulé Mandukya Karika ou Gaudapada Karika.





L’Advaita Vedanta déclare que seule existe la Réalité une et immuable [Brahman] et que les entités changeantes ne possèdent pas d’existence absolue tout comme les vagues ne peuvent pas exister en dehors de l’océan. Les vagues s’élèvent dans l’océan, et il n’est pas de vagues sans océan. De la même manière, le monde éphémère émerge momentanément au sein de la Réalité et Lui doit son existence. Le monde n’existe pas indépendamment de la Réalité, c’est pourquoi on dit qu’il est irréel. Tout comme un cygne vit sur l’eau mais ses plumes ne sont jamais souillées par l’eau, de même un Advaitin vit dans le monde sans être touché par l’illusion du monde.
L’enseignement principal de l’Advaita est qu’il n’est pas de dualité ; qu’elle soit dans l’état de veille ou de rêve, la pensée se meut dans l’illusion. L’ignorance dissimule la vérité qu’il n’est pas de devenir et que l’individu n’existe pas, si ce n’est comme figuration temporaire de notre Soi véritable [Atman] ou " je " véritable. Contrairement à l’expérience perceptible, le Soi n’est pas une expérience de l’individualité mais une pure conscience qui englobe tout et qui est au-delà de la connaissance. Il est éternellement présent et toujours expérimenté, cependant on n’est conscient de ce qu’Il est vraiment que lorsque les tendances restrictives du mental ont cessé. Sa nature est non-duelle, un sans second, et n’est pas différente de la Réalité, le substrat absolu de tout ce qui existe. Le mot " Advaita " fait essentiellement référence à l’identité du Soi et de la Réalité.
La nature de la réalisation du Soi est celle de l’expérience directe transcendant les perceptions et notions sans exception ; elle ne sera gagnée qu’une fois la croyance en la réalité du monde dissipée. L’illusion de la dualité, qui se manifeste en tant que notions d’un ego, d’un mental, d’un corps et d’un monde objectivé en est entièrement absente. Les fausses notions seules constituent l’illusion. La seule chose qui empêche la conscience du Soi est le sentiment d’être une personne individuelle. Si ce sentiment d’identité individuelle est transcendé, vous saurez que vous êtes le Soi et que votre nature véritable est être-conscience-félicité. L’être demeure en lui-même, la conscience se connaît elle-même et la félicité repose en elle-même. Seul le Soi est, et il se connaît lui-même par lui-même.
L’aspirant doit être pourvu d’un intense désir de libération. Ayant discerné ce qui est éternel et la source de bonheur, il doit demeurer non-attaché à tout ce qui est transitoire, tout ce qui est mutable, tout ce qui est simple phénomène temporaire, tout ce qui dépend des sens, tout ce qui dépend du mental et tout ce qui dépend du soi individuel pour être connu ou expérimenté. L’aspirant doit aussi être pourvu du pouvoir de discernement et doit adopter l’investigation de la nature réelle du Soi. Il doit discerner le Réel de l’irréel de façon à réaliser que le Réel est à jamais, et que l’irréel n’est jamais apparu. Il lui faut considérer tout ce qui est transitoire, changeant, objectivé, composé de parties, sporadique ou dépendant comme étant irréel. Il doit réaliser que cela qui est éternel, immuable, non-objectivé, indivisible et sans parties, continuel et non-dépendant est la Réalité impérissable. Tout comme une rivière cesse de couler après s’être déversée dans l’océan, la personne perd tout mouvement après s’être fondue dans le Soi. Abandonnant autant les notions d’externe, qui donnent naissance à l’apparence du monde, que les notions d’interne, qui amènent les illusions de l’existence d’un mental et d’un individu, l’aspirant doit avoir une foi inébranlable dans la connaissance sacrée de l’Advaita Vedanta. La connaissance véritable signifie posséder un regard d’égalité pour tous et sur tout.
Ramana Maharshi enseigne que le Soi est pur être, une pure présence, ou pure conscience subjective de " Je suis " entièrement dénuée des sentiments " Je suis ceci " ou " Je suis cela ". Il n’y a ni sujets ni objets dans le Soi ; il n’y a que conscience d’être. C’est parce que cette pure présence, ou pure conscience, est consciente qu’on l’appelle aussi " conscience ". D’après Shri Ramana, l’expérience directe de cette conscience est un état de bonheur ininterrompu et c’est pourquoi on utilise le terme " félicité " pour la décrire. Ces trois aspects – être, conscience et félicité – sont vécus en tant qu’un tout unitaire et non pas en tant qu’attributs séparés du Soi. Ils sont indissociables de la même manière que l’humidité, la transparence et la liquidité sont des propriétés indissociables de l’eau.

mardi 17 décembre 2013

Les doctrines fondamentales des Upanishad-s

© Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université de Strasbourg

A. La doctrine de base
C'est l'identité entre le Brahman et l'âtman. Le Brahman, c'est l'Absolu qui n'est pas conçu sous la forme d'une personne, c'est l'énergie divine infinie qui crée, préserve et résorbe en lui tout l'univers (à la fin de la période cosmique), et qui se présente à nous de manière dégradée, matérialisée dans toutes les créatures, quelles qu'elles soient. Cette énergie divine infinie est identique à l'âtman, l'âtman étant ce que nous découvrons être notre âme,  notre noyau fondamental, dans lequel se trouve préservé notre identité à travers les transmigrations.
Cette identité est affirmée par les célèbres formules:
  • Tat tvam asi ("Cela c-à-d le Brahman, tu l'es toi-même), Chandogya-Upanishad 6.8.7.
  • Aham Brahma asmi ("Je suis le Brahman"), Brihad-âranyaka-up. 1.4.10.

Cette identité n'est pas chose évidente, parce que ce que nous percevons des choses et des personnes dans l'expérience quotidienne, c'est leur enveloppe extérieure, et non leur noyau intime.
Le fait que les objets et les personnes ne nous apparaissent pas spontanément dans leur être profond, central, dans leur âtman est le résultat de la mâyâ. La mâyâ est la puissance d'illusion qui fait que nous n'allons généralement pas au-delà des informations brutes qui nous sont livrées par les sens et que nous croyons représenter toute la réalité, alors qu'elles ne représentent que la surface de la réalité, et non leur noyau central, leur âtman.
Le Brahman et l'âtman sont en dernière analyse inconnaissable, mais nous pouvons néanmoins laisser l'âtman advenir en nous, en faisant silence en nous-mêmes grâce aux exercices de yoga.
B. La cosmologie des Upanishads
Elle est résumée dans une célèbre formule de la Chandogya-Upanishad (3.14.1)::
"Assurément l'univers est Brahman. Le Brahman doit être médité comme le Tajjalân "
Tajjalân se décompose en tat-ja-lâ-an, tat=cela (cf. anglais that), ja = naître (cf. genèse),= retourner, an = animer (cf français animer).
Il faut donc comprendre: "Le Brahman est ce dont (tat) l'univers est né (ja), ce dans quoi il retourne (), et par quoi il est animé (an).
Dans cette expression, on a la première allusion à la triple activité du Brahman comme producteur de l'univers, comme vivificateur et comme lieu de retour de l'univers.
1. La production de l'univers
Dans les hymnes du Veda, on a tout une série de textes qui ont en commun
(1) qu'il y a un principe premier (, le Brahman, Prajâpati....,  sur Prajâpati voir tapas)
(2) que ce principe émet ou produit (sanskrit: shrshti) une matière à partir de lui-même (eaux sur lesquelles se développe un oeuf.....)
(3) et entre en tant que premier-né en elle (sur un exemple de cosmogonie des Védas, voir ici).
Ce schème s'est, en gros, conservé dans les Upanishads. Les textes les plus importants sont par ordre chronologique:
Brhad-Âranyaka-up. 1.4.7.:
"L'univers avant nous n'était pas encore déployé; il se déploya alors par le nom et la forme [c-à-d qu'il devint distinct]; cet Âtman (= ce Brahman) y est entré jusqu'au bout des ongles, comme le rasoir enfermé dans son étui, ou le feu dans les baguettes [qui servent à l'allumer]"
[sur le feu dans les baguettes, voir ici et ici ].
Ce texte n'établit pas encore de distinctions dans l'univers ainsi déployé. La Chandogya-up  ( (6.2.3)  distingue déjà dans la masse matérielle issue du Brahman 3 éléments: le feu (tejas), l'eau et la nourriture (ou la terre).
Taittirîya-up 2.1 : "De ce Soi (Âtman, c-à-d le Brahman)) est issu l'espace (âkâça, sur l'âkâça voir Maitry-up. 6.17), de l'espace, du vent le feu, du feu les eaux, des eaux la terre ",
avec une nouvelle idée: un ordre d'engendrement; ces 5 éléments, on les retrouvera dans le système philosophique mkhya, ainsi que l'idée d'un engendrement successif.
Remarque: dans ces premiers textes, on ne fait pas tellement la distinction entre nature organique et inorganique, les deux sont issus du Brahman et sont composés à partir des 5 éléments du cosmos.
La différence, c'est que les corps organiques (plantes, animaux, dieux) sont des âmes migrantes, et sont donc en essence l'âtman lui-même, tandis que les corps inorganiques sont composés uniquement des 5 éléments (éther, vent, feu, eau, terre). Bien que gouvernés eux aussi par le Brahman (Bâ 3.7.3-14), ils ne sont pas pour autant des âmes migrantes comme les animaux, les hommes et les dieux (il d'agit des divinités à karman ou deva; sur ce concept voir ici ).
En ce qui concerne la nature organique, on garde l'idée que sa création est une shrishti, une décharge, une libération, une émission, une émanation du Brahman, mais on insiste tout particulièrement sur la présence de l'âtman migant. Ainsi en Bâ 2.2.18, il y a un jeu de mots entre pura et purusha. Le Brahman crée les organismes comme des citadelles (pura) et entre en elles comme un habitant.
" Comme des citadelles (pura), il (le Purusha, c-à-d le Brahman) a produit les bipèdes, comme des citadelles, il a créé les quadrupèdes, dans les citadelles, il est entré comme un oiseau, dans les citadelles comme un habitant".
Tous les êtres vivants (plantes, animaux, hommes et dieux mineurs) sont donc des sanctuaires dans lesquels le Brahman est présent en tant qu'âme individuelle. C'est pourquoi il n' y a pas en Inde de sanctuaire du Brahman (comme il y a des temples pour les dieux seigneurs ou Îçvara-s), puisque tous êtres vivants sont par définition des sanctuaires du Brahman.
Mundaka-up 2.1.7: 
" De lui les dieux ont émané selon leurs formes diverses, les génies également; de lui les hommes, les animaux et les oiseaux, inspiration et expiration, le riz et l'orge
La transmigration englobe donc bien les plantes (Katha-up 5.7) et les dieux (4.4.4.).
Remarque: la conception de la shrshti (le Brahman, après avoir émis le monde, entre en lui) sauvegarde l'idée de la seule réalité du Brahman (sur la seule réalité du Brahman, voir le Vedânta de Shankara ).
2. La conservation et l'animation de l'univers
Le Brahman est ce qui sous-tend l'univers entier. Sans le Brahman, rien de ce qui est visible n'existerait. Il y a un lien de dépendance explicite entre toutes les réalités du monde et le Brahman qui est expliqué dans la Mundaka-Upanishad (et en Brhad-Âranyaka up 2.4.7-9) par la très belle des étincelles et du feu (en Bâ: image du son et des instruments de musique): les réalités de notre monde sont comme les étincelles qui jaillissent du feu; les étincelles n'existent que parce que le feu est allumé et brûle, de même les réalités du monde n'existent que parce que par derrière brûle éternellement ce feu qu'est le Brahman:
" De même que d'un feu bien allumé jaillissent par milliers des étincelles qui sont en parenté avec lui, ainsi, mon cher, de l'Impérissable (= du Brahman) émanent les êtres divers et retournent à lui " (Mundaka-upanishad 2.1.1)
Mieux, l'univers que nous avons devant nous, c'est le corps du Brahman, et les différents élément de l'univers sont des membres de ce corps gigantesque:
"Le feu est sa tête, la lune et le soleil ses yeux, les points cardinaux ses oreilles et sa parole les Védas révélés. Le vent est son souffle, tout l'univers est son coeur. La terre provient de ses pieds. Il est, de tous les êtres, l'âme intérieure " (Mundaka-up 2.1.4).
Si le Brahman sous-tend le monde, c'est parce qu'il y est partout répandu, de manière mystérieuse et invisible, et qu'il vitalise et anime le monde (voir la parabole du fruit du nyagrodha en Chandogya-up 6.12.1-3).
Chaque chose doit son existence propre au fait qu'elle trouve son fondement dans le Brahman:
" En vérité, c'est sous l'autorité de cet Impérissable que le soleil et la lune ont leur existence propre ...." (Brhad-âranyaka-up 3.8-9)
Le Brahman est ce en quoi s'enracine le monde. Ainsi Katha-up 6.1 compare le monde à un figuier renversé:
" Ce figuier éternel [symbole du monde] dont la racine va en-haut, les branches en-bas, c'est le pur, le Brahman ".
Il est le protecteur de l'Univers et maintient les choses en l'état:
" Il est le protecteur du monde, il est le souverain du monde (îça) " (Kaushitakî-up. 3.9).
En outre, il guide les créatures dans leurs actions; en Bâ 3.7.19-23, l'âtman est l'antaryâmin, le guide intérieur. 
Mais le Brahman n'intervient pas dans l'histoire.
3. L'eschatologie des Upanishads: le Brahman comme lieu de retour de l'univers et de l'âtman
On connaît la doctrine de l'hindouisme classique qui s'épanouira dans les Purâna-s: la création périodique de l'univers et sa dissolution périodique avec sa résorption dans le Brahman, aux termes d'énormes périodes de temps: les kalpa-s et les para-s ( voir Les périodes cosmiques).
Cette conception est étrangère aux Upanishads les plus anciennes.
Il convient de distinguer :
1. le retour des individus dans le Brahman
2. le retour de l'univers.
(1) Taittirîya-up 3.1 :   Celui de qui, en vérité, les êtres naissent, par qui les êtres vivent, en qui ils rentrent en mourant.... c'est le Brahman.
Mundaka 2.1.1 : " De même que d'un feu bien allumé jaillissent par milliers des étincelles qui sont en parenté avec lui, ainsi, mon cher, de l'Impérissable (= du Brahman) émanent les êtres divers et retournent à lui "
(2) Il n'est pas question d'une dissolution de l'univers dans les Upanishads anciennes. L'idée apparaît en Shvetâshvatara-up 3.2 et 4.1: " l'être unique (Shiva) , lui en qui le monde est dissous à la fin et qui crée au commencement, c'est lui le Dieu, puisse-t-il nous combler d'une intelligence heureuse ! "
a) La périodicité apparaît en Maitry-up. 6.17:
En vérité, le Brahman, au commencement, était tout ce (monde). Il existait seul, illimité à l'Est, illimité au Sud, illimité à l'Ouest, illimité au Nord, illimité au-dessus et au-dessous. Cette Âme suprême est illimitée, innée, inscrutable, impensable et son Soi est l'espace. Lorsque le monde est détruit, seule, elle veille ; à partir de cet espace, elle éveille ce (monde) qui n'est rien que pensée; ce monde est médité par Elle et en Elle il est absorbé.
b) La transmigration (voir aussi la réincarnation)
La conception classique est celle du Vedânta. L'humanité, selon Shankara, est comme une plante. Comme une plante, elle germe, se développe et retourne finalement à la terre. Pas complètement cependant. De même que la graine des plantes survit, de même les oeuvres d'un homme lui survivent comme une graine qui jette la semence d'une nouvelle vie.
Chaque vie, avec ses actions et ses souffrances, est l'inévitable conséquence des actions d'une existence précédente et conditionne, par les actions qui y ont été accomplies, la vie suivante.
On ne peut trouver avec certitude la trace de la doctrine de la transmigration dans aucun texte védique avant les Upanishads.
Dans le Rig-Veda, on enseigne  pour les bons une existence éternelle parmi les dieux sousle contrôle de Yama, et pour les mauvais un voyage dans les profondeurs abyssales. Il y a même trace d'un jugement des morts: car il faut passer devant les deux chiens de Yama qui gardent l'entrée du séjour des dieux. Les élus festoient et banquettent avec les dieux (idée du repas de fête pris avec les dieux, ce qui était déjà le cas avec le sacrifice).
Le plus ancien texte des Upanishads à parler de la réincarnation est Brhad-âranyaka-up 4.4.3 (vers le - 6ème s.): " De même qu'une chenille, arrivée au bout d'un brin d'herbe, se contracte pour une nouvelle avance, de même cet âtman, secouant son corps, s'étant libéré de l'ignorance, se contracte pour une nouvelle avance ".
ainsi que Bâ 4.4.6  "  Celui qui est arrivé au but final des actions qu'il commet ici-bas, retourne du monde de l'au-delà dans le monde de l'action..... quant à celui qui ne désire que l'âtman.... n'étant que Brahman il entre en Brahman".
c) Chemin des Pères et Chemin des Dieux
Voir Chandogya-up 4.15.5  et Brihad-âranyaka-up 6.2.14
On y dit que lors de la crémation du corps, l'âme entre dans la flamme, puis dans le jour, puis le soleil...... et le Brahman. La signification est que l'âme entre dans des régions toujours plus lumineuses. C'est le chemin des dieux (devayâna).
Le devayâna s'oppose au Pitryâna (le chemin des Pères): l'âme entre dans la fumée (non dans le feu), dans la nuit (et non dans le jour), dans la quinzaine sombre de la lune, et finalement dans la lune où elle fait transit. Puis l'âme se rematérialise en éther, vent, fumée, brume, nuage et en semence, puis suit l'entrée dans une matrice et donc une renaissance.
Dans le bouddhisme il y a un schéma analogue, voir Le Bardo Thödol.
Le schéma est un peu différent en Kaushithakî-up 1.2: toutes les âmes sans exception vont à la lune, leurs connaissances sont testées, et, selon le résultat, elles empruntent le devayâna pour rejoindre le Brahman, ou bien elles sont renvoyées sur terre.
C. La libération
En quoi consiste la libération ?
Lorsqu'on se rend compte qu'on est un âtman, lorsque tous les autres désirs que celui de faire advenir l'âtman se seront évanouis,  lorsqu'on est libre par rapport à tous les désirs, alors on atteint la libération. Le plus beau texte est celui de Brhad-âranyaka-up 4.4.6-7:
" Quant à celui qui n'est pas consumé par le désir, qui est libre par rapport au désir, qui est libre par rapport à tous les désirs, qui ne désire que l'âtman, ses souffles ne s'échapperont pas (vers d'autres régions), n'étant que Brahman, il entre en Brahman. ... Quand toutes les passions s'évanouissent, qui élisent domicile dans le coeur de l'homme, alors lui qui est mortel devient immortel. Dès ici-bas, il jouit du Brahman [il est donc un délivré vivant]".
Cette découverte libératrice qu'on est soi-même un âtman passe par une discipline dont les anciennes Upanishads parle déjà: le yoga.
D. Le degré de réalité du monde
Dans les Upanishads deux tendances s'affrontent:
1) une tendance idéaliste qui sera ensuite formulée magistralement par Shankara et le Vedânta: ce monde n'est qu'un reflet, il est donc illusoire, il n'a pas d'existence par lui-même.
2) Une tendance réaliste qui sera élaborée dans le mkhya.
La tendance idéaliste part de l'idée de l'unité de l'être. Par-delà la pluralité apparente des choses, il ne peut y avoir qu'une seule réalité, et cette réalité c'est le Brahman. Les tenants de cette tendance s'appuient sur des vers tels que Rig-Veda 1.1.64.46: "ekam sad viprâ bahudhâ vadanti" : "les poètes donnent de nombreux noms à ce qui est seulement un" et RV 10.90.2 " Cet univers entier est le Purusha seul, à la fois celui qui fut et celui qui sera " et sur des passages des Upanishads tels que Brhad-âranyaka-up 2.4.7-9 où il est dit : de même que les sons d'un tambour, d'une conque ou d'un luth n'ont pas d'existence par eux-mêmes, mais uniquement par rapport à l'instrument qui produit les sons, de même les objets de l'univers n'existent pas indépendamment du Brahman.
La tendance réaliste postule l'existence de deux réalités éternelles: le purusha ( = le Brahman, le principe spirituel du monde) et la prakriti (la matière-énergie universelle). C'est le mkhya, qui est la base philosophique du yoga-darçana.
Les 18 premiers produits de la prakriti ( buddhi, ahamkâra, manas, les 10 indriya-s, et les 5 tanmâtra-s ) forment le corps subtil ( linga) qui entoure l'âtman et l'accompagne lors de sa transmigration.
Merci a http://stehly.chez-alice.fr/les2.htm

mardi 3 décembre 2013


Le VEDÂNTA       

L’Advaita Vedânta (pensée non dualiste), le coeur même de l’Hindouisme, est la science universelle de la vie, qui s’adresse à tous, quel que soit leur contexte ou leur religion. Bien que le Vedânta soit né dans le contexte de l’Hindouisme, il n’est nullement nécessaire d’être ou de devenir hindou pour l’étudier. Au contraire, cette pensée, qui est une métaphysique d’une grande pureté, aidera le croyant à mieux comprendre sa propre religion et à l’approfondir.

 
 
Qu'est-ce que le Vedânta ?
Fondée sur les Veda et en particulier les Upanishads, la philosophie du Vedânta est l'incomparable pensée non-dualiste de l'Inde, qui affirme avec audace l'unité du monde, l'identité de la conscience individuelle et de la conscience universelle. Quand l'individu atteint cet élargissement de sa conscience, il expérimente un état de paix et de joie absolues, délivré de tout sentiment de dualité et des peurs, des insatisfactions qui l'accompagnent.
Cette philosophie enseigne aussi une sagesse pratique pour nous élever à cette vision du monde, pour réaliser en nous cette unité fondamentale de la vie. Les Écritures nous donnent accès à cette sagesse : à travers l'étude des Écritures, assortie d'une pratique quotidienne sincère, c'est une véritable transformation intérieure qui s'offre au chercheur spirituel.

C'est à cette découverte à laquelle vous invite la Chinmaya Mission France, à travers un enseignement de type traditionnel, comprenant les activités suivantes :
- Atelier d'initiation au Vedânta
- Étude des textes de Shankara
- Étude de la Bhagavad Gîtâ.

Quelles sont les pratiques spirituelles préconisées par le Vedânta ?
1/ La base de la démarche védantique est la réflexion et l’interrogation : qu’est-ce que ce monde en réalité ? Quelle est sa vraie nature ? Quel est le sens de l’existence individuelle ?
2/ L’étude des Écritures vient alors fournir des éléments de réflexion, et elle est le fondement même de la discipline spirituelle du Vedânta. Les Écritures délivrent à la fois une vision de la vie inspirante et libératrice ainsi qu'une sagesse pratique, permettant de s’élever à la hauteur de cette vision et de l’expérimenter.
3/ La réflexion personnelle, à partir de l’étude des Écritures, permet de développer en soi la discrimination (distinction entre le Réel et l’irréel, entre le permanent et l’illusoire) et le détachement (savoir expérimenter les objets des sens, sans en être dépendant) qui sont les qualités intérieures indispensables pour progresser sur le chemin spirituel. Le Vedânta est ainsi fondé sur la compréhension : comprendre la vraie nature des choses, chercher le véritable but de l’existence. Cette transformation de la vision intérieure imprègne ensuite toute la vie de l’être.
4/ Dans le Vedânta, on ne se contente pas d’étudier de façon théorique : la vie entière devient pratique spirituelle. La vie quotidienne est l’occasion d’exercer son discernement, de l’approfondir, avec =
--> d’abord, au quotidien, une prise de conscience des obstacles intérieurs. L'effort doit être de vivre en toute conscience : aucune parole, aucune pensée, aucune action ne doit émaner de soi sans qu’on en soit conscient.
C’est dans et par cette vigilance permanente que le chercheur spirituel peut s’élever spirituellement : en prenant conscience de ses négativités et de ses faiblesses, de la manière dont l'esprit fonctionne.
--> une autre attitude dans l’action : agir selon les valeurs nobles, avec une attitude moins égoïste, jusqu’à adopter peu à peu l’attitude purificatrice du service, de l’offrande.
Les Écritures sont une source d’inspiration et d’aide permanente pour mener ce travail d’évolution personnelle.
5/ La contemplation devient naturelle à celui qui a entrepris ce travail de purification intérieure. La pratique de la méditation est une pratique essentielle du Vedânta, mais elle ne peut être fructueuse et s’approfondir que si le chercheur spirituel par ailleurs adopte une vie guidée par des valeurs nobles. Swami Chinmayananda disait : « Votre séance de méditation dépend des 24 h précédentes ». Dans le Vedânta, toute la pratique spirituelle vise à développer en nous la faculté contemplative, car de façon ultime, c'est par la méditation profonde que l’on atteint la Connaissance, la redécouverte de notre vraie nature faite de paix et de joie absolues.

Quelle place a le Vedânta dans la philosophie indienne ?

Le Vedânta est l’un des six "points de vue" de la philosophie indienne. En effet, les grandes écoles philosophiques de la pensée indienne sont des "points de vue" ("darshana" en sanskrit). Il y a six écoles de pensée (darshana) dans l'hindouisme, généralement présentées par paires :

• Le Nyâya (étude des règles du raisonnement, de la logique),
• et le Vaisheshika (explication du monde par la combinaison d'atomes des différents éléments, cosmologie).

• le Sânkhya (système dualiste axé sur la connaissance des principaux constituants de l'univers et de l'individu, et opposant un principe naturel unique et inconscient à une multitude de principes spirituels conscients),
• et le Yoga (ensemble de pratiques psychosomatiques visant la parfaite stabilité mentale).

• le Pûrva Mîmâmsâ ("mîmâmsâ" veut dire "interprétation des Veda, exégèse"). Le Pûrva Mîmâmsâ commente la première partie des Veda (Mantra et Brâhmana), appelée Karma Kânda car elle traite des rituels, des sacrifices et du Dharma,
et l'Uttara Mîmâmsâ (ou Vedânta), qui s'intéresse à la dernière partie des Veda (Upanishad), c'est-à-dire la connaissance de la Réalité Suprême. Le mot " Vedânta " littéralement veut dire la fin (anta) des Veda, c’est-à-dire le but, l’ultime essence des Veda, de la Connaissance.

Qui est Shankara ?
Le nom du philosophe indien Âdi Shankarâcârya suscite partout en Inde et dans le reste du monde, un grand respect qui s'adresse à la fois à la gloire spirituelle du maître, à sa perfection poétique et littéraire, à sa ferveur dévotionnelle et à sa profondeur philosophique.
Le destin de ce jeune brahmine du Kérala (Inde du Sud) fut aussi extraordinaire que bref, puisqu'il quitta son enveloppe mortelle à l'âge de trente-deux ans après avoir été le plus grand artisan du renouveau de la culture védique que l'Inde ait jamais connu.
Un destin vraiment hors du commun : attiré par la voie ascétique, il prit le sannyâsa (sacrement du renoncement) à l'âge de huit ans et partit à la recherche d'un maître. Sa quête le mena vers Shrî Govinda Bhagavad Pâda, auprès duquel il étudia l'Advaita Vedânta, la philosophie non dualiste.
Puis il demeura quatre ans auprès du maître Shrî Gaudapada, célèbre pour avoir écrit un commentaire sur la Mândûkyopanishad, un des textes fondamentaux du Vedânta. Le jeune Shankara acquit ainsi la maîtrise des principaux textes qui fondent le Vedânta : Upanishad, Brahma sûtra, Bhagavad Gîtâ.
Cette connaissance n'était pas chez lui une simple prouesse intellectuelle, mais une expérience spirituelle intense, l'élévation à un état supérieur : la voie de la contemplation lui avait fait expérimenter l'identité totale entre le soi individuel et le soi universel, entre l'homme et Dieu.
Cette identité est la base de la philosophie non dualiste dont Shankara se fit le fervent défenseur.
La religion hindoue est en essence un rigoureux monisme : selon la tradition védique ancienne, dont est issue l'actuelle forme de l’hindouisme, un Principe suprême unique, brahman, est la source et la réalité du monde que nous percevons, il est aussi l'essence de notre être. Mais l’homme généralement ne peut adorer une entité abstraite, et il projette des formes qui sourient à son coeur : la multiplicité des formes divines que l'on rencontre en Inde traduit la multiplicité des manières dont les hommes aiment, désirent, craignent, espèrent et vivent.
Cependant, l'homme oublie parfois la Réalité suprême qui donne vie et sens à ces noms et formes : sans ce sentiment d'unité, les rites perdent de leur signification, les adorateurs de telle ou telle divinité en viennent à s'opposer.
Telle était la situation à l'époque de Shankara, au 8è siècle après J .C. La pratique de la culture védique était alors en voie de totale désintégration alors que l'influence du bouddhisme ne cessait de grandir.
L'école du Pûrva mimâmsâ, qui mettait l'accent sur l'accomplissement des rituels, paraissait seule capable de freiner la diffusion du bouddhisme et devenait de plus en plus importante. Les rituels se multipliaient, mais au milieu de querelles sectaires où le principe fondamental d'unité était oublié.

Shankara se donna alors pour mission de raviver la vision non dualiste, de secouer l'état d'ignorance, de bigoterie, de rivalités sectaires où s'enlisait la religion hindoue. Il affronta la situation avec la plus subtile des stratégies, attaquant le problème sur tous les fronts à la fois : intellectuel, émotionnel et physique.

Il écrivit des commentaires sur les grands textes de la tradition indienne, réfutant tous les arguments des autres écoles avec une logique implacable, affirmant l'existence d'un Principe unique et suprême commun à tous les hommes et toutes les religions. Il composa aussi de nombreux ouvrages sur le Vedânta. Parcourant l'immense sous-continent indien, il invitait les grands chefs religieux à des débats, art traditionnellement fort apprécié par les lettrés indiens. Sortant toujours victorieux de ces joutes subtiles, il rétablit ainsi progressivement la suprématie intellectuelle de l'Advaita Vedânta (philosophie non dualiste) parmi l'élite hindoue.

Shankara voulut ensuite entraîner les masses : cela ne pouvait se faire que par une approche plus émotionnelle. Les partisans des dieux Shiva, Vishnu, de la Devî (la déesse), se querellaient, défendant tous la suprématie de leur divinité, et il fallait les ramener au sein de la vision non dualiste, leur source commune. Pour cela, il codifia les cultes offerts aux différentes divinités, apportant une unité de sens aux différents rituels. Il composa aussi de nombreux hymnes de louanges à ces formes divines, qui sont des chants extrêmement mélodieux, aux paroles pleines d'élévation, chargées de ferveur dévotionnelle, qui cependant, au-delà de la forme divine adorée, s'adressent au Principe suprême. Ces chants, très populaires en Inde, sont chantés quotidiennement dans les temples et les foyers.

Shankara entreprit enfin la consolidation physique de ce renouveau, en établissant de nombreux temples et des grands monastères qui continuent aujourd’hui le travail de leur fondateur.
A la fin de sa vie, Shankara décida de fonder un monastère (math) dans chaque partie de l’Inde, aux quatre points cardinaux et les confia à ses disciples. Un math devait être "un siège de la Connaissance", et à chacun correspondait un des Veda. Chacun devait oeuvrer pour le bien-être spirituel de la région de l’Inde où il était situé. Quatre grands math furent ainsi fondés : à l’est (à Puri), Govardhana math, confié au disciple Padmapada (Rig Veda) ; au sud, Shringeri math, confié à Sureshwara (Yajur Veda) ; à l’ouest, Dwaraka math, confié à Hastamalaka (Sâma Veda) ; et au nord, Joshimath, près de Badrinath, confié à Totaka (Atharva Veda).
Ces math existent encore aujourd’hui, et sont des grands centres de rayonnement intellectuel et spirituel.
Shankara définit aussi 10 catégories de leaders spirituels, qui firent allégeance aux math : ce sont leurs titres qui indiquent à quel math les sannyâsîns (moines) sont rattachés. Ainsi, les sannyâsîns rattachés au math de Shringeri portent le titre de "Sarasvati": c’est le cas de tous les swamis de la Chinmaya Mission, puisque Swami Chinmayananda a reçu le sannyâsa de Swami Shivananda, qui était lui-même rattaché à Shringeri. Son nom titre et son titre sont donc : Swami Chinmayananda Sarasvati.

Merci a CHINMAYA MISSION FRANCE