mercredi 30 juillet 2014

Merci a Innerquest

Ramana Maharshi par Henri Hartung

« Les paroles du sage, écoutées en silence, valent mieux
que les bruyants discours d’un prince dans une assemblée de sot ».
L’Ecclésiaste, IX, 17.
Un jeune hindou, d’une très modeste famille, vivant à l’extrême sud de son immense pays. Fin du dix-neuvième siècle. Naissance en 1879. Aucune formation particulière autre que celle dispensée par les professeurs de l’école locale. Dix-sept ans. Une expérience fulgurante suscitée par la crainte de la mort. Un appel intérieur : se rendre sur le mont sacré d’Arunachala. Un quart de siècle de silence dans les grottes naturelles de cette montagne. Puis, une durée un peu plus prolongée au milieu de quelques modestes maisons situées à ses pieds. Mort physique juste au milieu du vingtième siècle. Quelques très rares récits. Aucune connaissance des langues étrangères, à part quelques rudiments d’anglais. Aucune étude particulière sur les grandes Traditions orientales. Encore moins, si je puis ainsi écrire, sur les religions lointaines, comme le christianisme. Jamais une initiative « publicitaire » afin de se faire connaître. D’ailleurs, connaître Qui? et pourquoi? Existence vide du moindre événement extérieur, retirée de la société dans une région retirée du monde, sans la moindre « activité », la plus petite « création » de quoi que ce soit.
1979. L’année du centenaire de la naissance de cet hindou. Sa photographie se trouve dans d’innombrables demeures, dans son pays natal mais aussi en Amérique, en Europe. Son nom est connu d’une multitude de gens. Des études paraissent sur lui dans les grandes revues culturelles, politiques, religieuses du monde entier : Le Nouvel Observateur publiant un numéro spécial « Faits et chiffres 1975 » termine l’introduction de cette étude par deux reproductions représentant l’une André Malraux, le front plissé et la main dans la bouche… l’autre le Maharshi, serein, souriant. Deux seuls mots d’explication : sous la première : « l’Occident » ; sous la seconde : « l’Orient »!
René Guénon, dont toute l’œuvre est une réhabilitation de la métaphysique voit en lui le pur représentant de celle-ci. L’abbé Monchanin est marqué par lui, le moine bénédictin Dom Henri Le Saux partant pour les Indes écrit que sa rencontre avec lui « ne pourrait être qu’un événement dans ma vie ». Le père Thomas Merton, comme Karlfried Graf Dürckheim, se réfère souvent à lui. Beaucoup de religieux invoquent sa Présence, des chrétiens, catholiques, protestants, orthodoxes ne se comptent plus qui ont retrouvé le message en le voyant, certains même en le lisant ou en contemplant sa photographie — dont la plus célèbre, prise par Mani en 1938 — reste de nos jours saisissante pour tant et tant de personnes. Sa place est immédiatement réservée pour figurer parmi les premiers ouvrages de la nouvelle collection des Éditions du Cerf consacrée aux « témoins spirituels d’aujourd’hui ». Des communautés portant son nom se créent sur tous les continents. Aux Indes, afin d’inaugurer l’année marquant le centième anniversaire de sa naissance, le premier ministre Sri Morarji Desai, le 13 janvier 1979, lui rend un hommage public en rappelant qu’il transformait ceux qui avaient le privilège de l’approcher. Son tombeau est devenu un haut lieu de pèlerinage. Il est le « grand » Ramana Maharshi, il est « le » Sage, il est l’ultime Lumière qui brille dans la nuit glacée du monde moderne.
(Extrait du livre d’Henri HARTUNG : « Présence de Ramana Maharshi ». Ed. le Cerf, Paris, 1979, Collection «  Témoins spirituels d’aujourd’hui »
Dans le « Vocabulaire technique et critique de la philosophie », André Lalande donne trois définitions du mot énergie : « capacité de faire effort; volonté d’employer toute sa force; capacité de produire du travail mécanique ». Ainsi, en Occident, ce mot évoque-t-il une personne énergique ou une forme de vigueur et de dynamisme, c’est-à-dire, dans ces deux cas, une « efficacité » dépendante d’une « forte » individualité… ou d’une machine.
Bien différent apparaît le point de vue oriental, notamment hindou. Il s’agit alors aussi d’une Force mais d’ordre cosmique, dépassant donc « immensément » l’individu. En sanskrit, le mot shakti (ou sakti), de la racine sak — pouvoir — signifie donc à la fois l’énergie et la « volonté productrice » du Principe, donc son activité non-agissante ou sa possibilité de manifestation. Dès que cette dernière se développe, l’énergie apparaît partout, « elle est la substance de tout », comme l’écrit Alain Daniélou, symbolisant la Force, ou le pouvoir du Principe sous ses trois aspects complémentaires de Shiva, Vishnu et Brahmâ. C’est, dit Ramana Maharshi en réponse à une question sur le sens du mot shakti, « une énorme Puissance : ayez confiance en elle et en sa capacité de vous conduire au but ». Que nous en soyons conscients ou non, cette énergie vitale se situe toujours en arrière-fond de notre corps et de nos activités mentales.
Nous en rendre conscients, contribuer à l’éveil de cette Force est l’objectif de cette revue dont le nom est par lui-même une indication essentielle.
Aussi, le point de vue du grand sage hindou contemporain sur un tel sujet ne peut-il laisser aucun lecteur indifférent.
Le plus grand commentateur des Vedas, Shankarâchârya, qui vivait au neuvième siècle, caractérise l’état de l’être humain qui a réalisé en lui sainteté et sagesse, par trois mots : Bâlya, état comparable à celui d’un enfant; Pandîtya, état de celui qui sait et qui possède l’art de transmettre à d’autres la Connaissance ; Mauna, état de muni, le solitaire et le silencieux qui a unifié sa personne au sein de l’Harmonie cosmique. Il ajoute, conformément à l’enseignement des Vedas, que ce dernier état est atteint lorsque l’énergie principielle, redécouverte à l’intérieur de soi-même et s’étant mise à circuler grâce aux canaux subtils, éveille à son tour les sept centres spirituels de l’être humain appelés chakras (roues). Une telle définition de la spiritualité peut apparaître, dans un premier temps, comme complexe, peut-être même étrange. Elle ne peut pourtant pas être plus simple. Reprenons-la ensemble.
Sagesse et sainteté : d’abord, un état comparable à celui d’un enfant, donc spontané, désencombré ou plus exactement, pas encore encombré par l’imprégnation culturelle et religieuse d’une société rationnelle et inquiète. Rationnelle, donc inquiète; Ensuite, un état de connaissant, donc d’une personne qui sait, par son intuition immédiate de ce qui EST et non qui croit à ce qui lui a été dit. Une vision, pas une opinion; Enfin, un état d’union, donc de non dissociation, entre les différents aspects de l’être, enfin harmonisés par la toute puissance de l’Esprit. Mais, justement, pour que ces trois éléments, enfance, connaissance, unité, puissent se réaliser concrètement, il est bien nécessaire qu’une Force qui ne soit ni corporelle, ni mentale, ni affective, intervienne et permette ce passage du temporaire à l’éternel, de l’existentiel à l’essentiel, du psychosomatique au spirituel. Sans cette Energie, toute modification de l’individu se limitera à quelques changements transitoires et fragiles. Mais avec Elle, il s’agira vraiment d’une transformation en profondeur et de la naissance d’une Personne réconciliée avec le Principe de son existence.
Il est ainsi possible de poser le problème de la vie intérieure en termes d’éveil de cette shakti. Plusieurs méthodologies sont alors susceptibles d’être suivies et elles sont bien connues des lecteurs d’« Energie Vitale » : le Yoga, le Zazen, les méditations chrétienne — notamment la prière du cœur — et soufie. La première est étudiée régulièrement dans cette revue; j’évoquais la seconde dans le numéro 6 en présentant la vie et le message de Karlfried Graf Dürckheim ; les deux dernières seront certainement abordées dans un avenir proche.
Il ne convient pas ici d’insister sur ce point, mais sur ce que je propose d’appeler la Finalité spirituelle de ces différentes formes de méditation. Car, au-delà d’une pratique, — et yoga, Zazen, prière, dhikir restent une pratique —, il y a celui ou celle qui se tient, ici et maintenant, immobile et silencieux. Qui est-il ? Qui est-elle ? Et comment une méthode en tant que telle pourrait-elle permettre de répondre à cette interrogation centrale s’il n’y a pas de la part du méditant un engagement préalable, total, à cette recherche fondamentale : « Qui suis-je? »
Sur ce point décisif de toute recherche spirituelle, Ramana Maharshi apporte un enseignement précieux. D’abord, par la simplicité des mots qu’il utilise pour nous guider et, ensuite, par la coïncidence entre tout ce qu’il dit et écrit et tout ce qu’il est. Comme le note Frithjof Schuon, « il a manifesté la noblesse du non-agir contemplatif en face d’une morale de l’agitation utilitaire ». Il incarne la fameuse phrase des Upanishads : « Tat twam asi », « CELA, (le Soi, Dieu, la Personne) toi, (le moi, l’individu) tu l’es ». Formule qui, à travers les siècles, rejoint le rappel du Christ quand il proclame que « le royaume des cieux est au-dedans de vous ». Aussi convient-il de se poser continuellement la question « Qui suis je? » afin de trouver au fond de soi-même, et non à l’extérieur, représenté par un Dieu insaisissable, l’origine de notre ETRE. Le Maharshi est explicite sur ce point : « Quelle que soit la forme de votre recherche, vous serez obligé d’en arriver finalement au « Je » unique, le Soi. La recherche du Soi ne renferme certainement pas une formule vide; c’est bien plus que la répétition de n’importe quelle formule sacrée. Si la recherche du Qui suis-je? était une simple investigation mentale, elle n’aurait pas grande valeur. Le but même de la quête du Soi consiste à focaliser l’esprit tout entier sur la Source. Ce n’est pas, par conséquent, le cas d’un « Je » qui cherche un autre « Je ». Enfin, la recherche du Soi renferme encore bien moins une formule vide, car elle implique une activité intense de l’esprit tout entier, pour qu’il reste fixé sans défaillance sur la pure conscience du Soi ».
Cette nécessaire observation intérieure, les paupières baissées permettant au regard de se tourner vers le dedans, apparaît bien ainsi comme ce préalable indispensable à toute réflexion qui ne se veut pas seulement intellectuelle, à toute pratique qui ne se destine pas à la seule pacification corporelle. Les musulmans appellent une telle recherche la science des pensées — ilm el-khawâtir — les chrétiens l’examen de conscience et les hindous l’investigation — vichara — ou la discrimination — viveka — « Qui suis-je? » Je ne suis ni ce corps, ni ses organes de perception — yeux, oreilles, nez, langue et peau — ni ses organes d’activité externe — voix, mains, pieds, organe génital — ni ses forces vitales — respiration, digestion, assimilation, excrétion. Je ne suis pas non plus ces pensées, qui vont et qui viennent sans relâche, ni ces sentiments. Plus profond, toujours plus en profondeur, je retrouve alors une Béatitude qui est véritablement le Soi, immuable, seul réel parmi tant d’apparences fugitives qui s’évanouissent dès que je cherche à m’identifier à elles. « Se demander « Qui suis-je? », « qui est enchaîné? » et connaître sa vraie nature apporte seul la libération. Garder l’esprit constamment tourné vers l’intérieur, et demeurer ainsi dans le Soi, constitue seul Atmâ-vichara (l’investigation sur Dieu) tandis que dhyâna (la méditation) consiste en la contemplation fervente du Soi comme Sat-Chit-Ananda (Etre pur — Conscience totale — Béatitude) ». Cette citation de Ramana Maharshi confirme la complémentarité entre l’indispensable finalité spirituelle et la pratique de la méditation — Yoga, Zazen, … Considérés alors comme support d’une réalisation intérieure n’ayant objectivement que peu de choses à voir avec une quelconque gymnastique centrée sur le corporel.
Quête du Soi. Cherchez et vous trouverez. Le Maharshi, Délivré vivant — jivan-mukta — demeure plus de trente années après sa mort physique, le Témoin de cette Fulgurance de l’Esprit, de cette spiritualité vivante qui nous permet de pressentir, au milieu de la crise du monde moderne, la survivance de cette Energie interne et externe à la fois, et sans laquelle nous resterions enfermés dans les limites de nos constructions mentales, incapables en tout cas de voir d’abord et de réaliser ensuite l’Harmonie cosmique.
Lectures :
« L’enseignement de Ramana Maharshi » Préface de Jean Herbert Ed. Albin Michel, Paris
Collection « Spiritualité vivante »
« L’évangile de Ramana Maharshi» Liminaires par Patrick Lebail Ed. Le Courrier du Livre, Paris, 1970.
Henri HARTUNG « Présence de Ramana Maharshi » Ed. du Cerf, Paris, 1979. Collection « Témoins spirituels d’aujourd’hui ».

dimanche 6 juillet 2014

Lettre ouverte à l’usage de quelques chercheurs de vérité 
mel patrick
Quand on pratique vraiment la spiritualité et que l'on considère ainsi avoir une vie spirituelle, sous-entendu que la vie spirituelle et la vie quotidienne ne se distinguent plus l'une de l'autre, on ne peut pas s'encombrer de toute une panoplie de disciplines, pratiques et techniques méditatives, de connaissances sacrées purement conceptuelles pour ne pas dire théoriques ou dogmatiques, de commentaires métaphysiques appartenant à différentes traditions, d’enseignements, de livres et de pensées, qui tôt ou tard vont inévitablement se contredire. Il faut être capable de revenir instantanément à l'essentiel et disposer de pratiques très simples, si ce n’est une seule, qui permettent au mental de s'apaiser rapidement pour finalement s’estomper en attendant la grande libération, c’est-à-dire la réalisation du Soi.

Pourquoi ? Parce que le mental est à l’origine de la souffrance et non l’ego comme l’enseignent la plupart des Néo Advaita gourous, qui ne sont même pas capables de comprendre les principes fondamentaux de l’Advaita Vedanta, ce qui ne va pourtant pas les empêcher d’enseigner cette connaissance sacrée comme s’ils étaient soudainement devenus d’honorables Gourous suite à une petite expérience spirituelle. Et ils omettront bien sûr le nom de cette connaissance afin d’éviter tout problème avec des experts en la matière. Cette expérience leur aurait apparemment montré monts et merveilles, et surtout la « non-dualité » de toute chose, du fait qu’ils ont tous lu comme hasard et sans exception, avant ou après leur expérience, au moins un livre de Ramana Maharshi pour enrichir leur enseignement ou le créer tant bien que mal de toutes pièces, comme c’est le cas entre autres pour ce très cher Mooji, qui joue le rôle du gourou à la perfection dans toute sa splendeur, et qui n’a malheureusement rien compris au Vedanta ni ce que lui a enseigné son Gourou Papaji, ce qui semble à vrai dire le cadet de ses soucis. Mais ces Néo gourous ont tous une si bonne tête toujours souriante qu’on ne peut que leur pardonner et leur acheter au moins quelques CDs, DVDs et une photo de leur portrait après un Satsang en souvenir de leur performance digne d’un clown.

Qu’il soit dit en passant que fonder toute une spiritualité sur l’annihilation de l’ego comme le font ces Néo Advaita gourous est purement absurde et ne correspond en plus pas du tout aux enseignements du Vedanta. « Ahamkar », l’identité personnelle, c’est-à-dire le moi, la conscience de soi en tant que personne ou encore l’ego, n’a jamais été à l’origine de la souffrance ni même celle de l’ignorance qui cause tant d’illusions. Mais où ces Néo gourous ont-ils bien pu découvrir dans tout l’Advaita Vedanta et autres véritables enseignements traditionnels qu’il fallait se libérer d’une identité personnelle, qui est évidemment indispensable pour vivre normalement et communiquer intelligemment ? Imaginez simplement ce qui arriverait si soudainement vous ne pouviez plus vous référer à vous-même et perdiez la conscience de propre existence en tant qu’individu séparé des autres pour simplement exprimer vos propres pensées, qui ne seraient évidemment alors plus les vôtres.  Ou qu’arriverait-il si vous aviez envie de vous gratter les fesses et ne fassiez pas la différence entre vous-même et les autres ? Même un vrai libéré deviendrait totalement fou et s’attirerait de sérieux problèmes. La libération que ces Néo gourous préconisent ressemble plutôt à une espèce de lobotomie insensée et aussi folle que leur sagesse, qui n’a aucun rapport avec la vraie spiritualité.

Alors que sont ces pratiques essentielles et principes fondamentaux de cette spiritualité ? Vous les connaissez déjà sans le moindre doute, mais probablement noyés dans une masse de faux enseignements et connaissances beaucoup trop sophistiquées pour être applicables dans les faits et gestes de la vie quotidienne que nous vivons tous, y compris les superstars de la nouvelle vague spirituelle très populaire de nos jours.

Ramana Maharshi a toujours et seulement à vrai dire enseigné le Dharma  et Vichara qu’il a développé en une simple question pour que cette technique soit plus compréhensible au commun des mortels, cette question étant "Qui suis-je ?". Comme le démontrent Shankaracharya, Gaudapada, Yajnavalkya ou Vashishta, cette pratique est au centre de tous leurs commentaires sur la spiritualité et du Vedanta Advaita dans sa totalité. La vérité se découvre et se réalise en pratiquant une introspection méditative et bien sûr en demeurant pleinement conscient de ce qui se passe à l’intérieur de soi. « Chit » en Sanskrit, la conscience et faculté d’être purement conscient, est évidemment le principe fondamental de la spiritualité. C’est si évident dans toutes les traditions orientales ou occidentales que l’on pourrait se demander ce que serait une libération ou une révélation aussi sublime soit-elle si l’on n’en était pas conscient.

Si la conscience n’était pas le principe fondamental de toute existence, découverte, expérience et connaissance, qu’est-ce que cela pourrait bien être ?    

A quoi se résume donc cette recherche du Soi ou introspection (du Latin introspicere : regarder à l’intérieur) ? Vichara se pratique assis, comme la plupart des autres techniques méditatives, de manière à bien comprendre et expérimenter le pourquoi et comment de cette pratique en fait extrêmement simple où il n’y a rien à « faire », mais seulement « être et en demeurer pleinement conscient ». Et Vichara se pratique bien sûr aussi dans la vie courante, à tout instant et à chaque fois que l'on s'en souvient. Certains appellent cela la méditation dynamique, « mindfulness » en Anglais, Sati, l'attention vigilante... Peu importe le nom qu'on lui donne, l'essentiel est de comprendre que cette pratique consiste à tout simplement demeurer conscient et ainsi  exister pleinement ou en d’autres termes « découvrir la plénitude de l’être » partout et tout le temps. C'est tout ! Et c’est plus que suffisant pour une vie entière de recherche spirituelle. Et cela évitera aussi de se disperser dans une multitude d’autres pratiques, qui ne sont pas inutiles, mais qui conduiront tôt ou tard à cette introspection et la question « Qui suis-je ? ». C’est bien de pratiquer différents exercices spirituels et en changer régulièrement pour mieux en apprécier leur qualité, encore faut-il savoir qui est celui qui les pratique pour en découvrir sa vraie nature ? Cela semble évident. Dans l’Advaita et le sacré toujours concernés par l’origine et la vraie nature de toutes choses, il y a avant tout beaucoup d’évidences et de bon sens.

Ce type d'introspection que l’on nomme Vichara se résume à accepter les manifestations de la vie intérieure ou du monde extérieur avec un état d'esprit paisible et parfaitement attentif, qui n'oublie surtout pas la présence de la faculté d’être conscient à l’origine même de cette recherche. On n’essaie pas d’empêcher les pensées de se manifester ni les actes de la vie quotidienne de s'exécuter naturellement ou les sensations et émotions d’apparaître à l'intérieur de soi. Toute manifestation est acceptée telle quelle, mais avec une attention et un état d'esprit pour ainsi dire conscient de lui-même. Voilà pour la pratique, qui est très simple, facile et à laquelle on peut toujours revenir en toutes circonstances, ce qui est le facteur le plus important pour spiritualiser entièrement la vie intérieure, ainsi que la réalité spatiale et temporelle dans laquelle nous nous trouvons en permanence. Ce que l'on vit à chaque instant est le terrain le plus parfait qui puisse exister pour pratiquer la spiritualité et la recherche de libération, et aussi pour tester si cette spiritualité sert vraiment à quelque chose parce qu’elle s’adresse à un être vivant, qui en général souffre ou pour le moins éprouve de profondes insatisfactions dans sa propre vie, et non pas à Brahman, le Soi ou la conscience universelle, qui eux incarnent une félicité infinie et éternelle et qui n’ont évidemment pas besoin d’être aidés ou libérés. Aucun vrai Gourou n’enseigne à vrai dire comment entrer en transe ou vivre des expériences plus ou moins mystiques ou franchement psychédéliques. Ce n'est pas du tout le but de la recherche de réalisation du Soi, de l'expérience de la non-dualité, de Sahaja Samadhi ou Turya, un état d’esprit que l’on considère libéré. Un vrai Gourou est censé apporter la lumière de la connaissance, qui dissipe les ténèbres de l’ignorance. Cela n’a aucun rapport avec Nirvikalpa Samadhi et autres extases mystiques de ce genre.

Et la vie continue bien sûr quoi qu’il arrive…, avec ou sans expériences spirituelles libératrices. C'est pourquoi cette pratique de Vichara a toujours et obligatoirement lieu dans « le cadre du Dharma », comme toutes autres disciplines spirituelles d’ailleurs, autrement dit sur une voie juste et correcte où l'on accepte la réalité telle qu'elle est sans se mentir sur soi, les autres et le monde dans lequel on vit réellement, mais surtout sur soi pour une raison si évidente qu'il n’est pas nécessaire de la commenter. Le sujet de cette lettre est la spiritualité et découverte de soi, la vérité et « la libération personnelle ». Il va de soi en effet que l’on n’effectue pas ce genre de recherche spirituelle pour libérer le voisin de ses souffrances, mais pour lui rendre à la rigueur la vie plus paisible et l’introduire aussi pourquoi pas à la spiritualité si cela l’intéresse, sinon la règle d’or la plus évidente est comme d’habitude le « respect des autres » propre au Dharma, mais aussi à tout être civilisé digne de ce nom.

En résumé, l’essentiel de la vie spirituelle est extrêmement simple. Il faut obligatoirement pour spiritualiser notre propre existence « un Dharma », autrement dit demeurer juste et correct en toutes circonstances, autant avec soi que les autres et l’environnement, et il faut une discipline spirituelle que l'on peut pratiquer partout et à tout instant, et qu’il faut aussi expérimenter plus profondément dans des moments d'isolement et de paix absolument parfait, et cela en principe 2 fois par jour, le matin après le réveil et le soir avant de se coucher. Le Dharma et l’expérience d’une pratique spirituelle quotidienne déterminent une véritable recherche spirituelle, celle que plus personne ou presque ne veut encore enseigner.

Actuellement les Néo gourous suppriment en particulier le Dharma parce qu'ils ne veulent surtout pas importuner leurs clients avec des préceptes éthiques (un concept totalement maudit dans tous leurs discours), qui pourraient déranger leur petit confort mental, ou avec des concepts tels que la bonté et la compassion, qui pourraient aussi leur faire oublier leur recherche narcissique du bien-être si rentable pour les gourous charlatans qui l’enseignent. Et ce Dharma est bien sûr systématiquement remplacé par des soi-disant Satsang ou conférences, qui seraient capables de transmettre comme par enchantement la Shakti, la connaissance et l’illumination, autrement dit « l’éveil », le grand mot à la mode actuellement. Mais du fait que tous ces Néo gourous ne sont rien de plus que de pitoyables imposteurs, personne jusqu’à présent n’a réalisé le Soi et est devenu un Jivanmukta, une âme libérée, grâce à ce genre de rencontres, qui se voudraient plus ou moins magiques, comme l’explique si bien Tony Parsons pour essayer de valoriser son enseignement d’une nullité sans borne. Mais du fait qu’il a étudié en long en large et surtout en travers l’Avadhuta, Ribhu et Astravakra Gita pendant de très nombreuses années et sans ne jamais comprendre les fondements d’enseignements aussi élevés, il s’estime au sommet et même bien au-dessus des gourous traditionnels comme Ramana Maharshi par exemple qu’il n’hésite pas à ridiculiser lors de ses Satsang. Il ne reste alors plus qu’à applaudir le bouffon.

Le seul problème dans tous ces enseignements Néo Advaita et New Age, très amusants et surtout rentable pour les soi-disant gourous qui enseignent, mais beaucoup moins pour leurs clients lorsqu’ils découvrent l’imposture, est que l'on ne peut pas pratiquer la spiritualité et effectuer une recherche spirituelle sans le Dharma. Cela n'aurait pas de sens. Seul le « Dharma » donne une véritable signification spirituelle, éthique et sociale à une recherche aussi égocentrique et même purement égoïste que celle de la libération ou de la réalisation du Soi, une recherche qui se veut évidemment libérer l’individu qui l’effectue, le libérer lui et lui seul. En d’autres termes très simples, pas de Dharma pas de spiritualité et la recherche de libération n’est rien de plus qu’une farce. Pour prendre un très simple exemple afin de mieux comprendre le contexte spirituel que représente le Dharma en lui-même et sa nécessité impérative, comment pourrait-on découvrir la vérité suprême, c’est-à-dire réaliser le Soi, sans avoir recours par exemple à « Satya », véracité, honnêteté et sincérité (le premier Yamas sur le Dharma), autrement dit en cherchant sincèrement la vérité et bien sûr en étant vrai avec soi-même et les autres pour découvrir ainsi quelque chose de vrai dans la vie, si ce n’est la vérité suprême elle-même. Qui peut décemment imaginer que la libération et la vérité, qui ne sont que des mots interchangeables dans le contexte spirituel, s’obtiennent en continuant à mentir aux autres et à soi-même et en faisant preuve d'hypocrisie pour simplement satisfaire des petits désirs personnels ? Comment pourrait-on sincèrement chercher le bonheur pour nous-mêmes et ignorer l’existence des autres ? Ce serait tout bonnement une absurdité et une absence totale d’équilibre dans le mental que l’on essaie en principe d’apaiser en attendant son propre anéantissement – même un enfant le comprendrait sans grande explication. Mais c'est justement ce que représente la soi-disant Néo spiritualité et « sagesse folle » actuelle, qui est à vrai dire une parfaite représentation du « culte du moi » et la glorification du pouvoir du mental, autrement dit de l'égoïsme, de l'avidité et de l'hypocrisie. Et ce ne sont pas des stages de pensées positives où l’on apprend en réalité à perdre tout esprit critique et devenir complètement niais, qui risquent d’anéantir ce culte.

Est-il alors nécessaire d'expliquer qu'une telle spiritualité conduit tôt ou tard au déséquilibre mental et dans certains cas la dépression et le suicide dont on parle très peu actuellement dans les milieux spirituels bien informés, mais qui deviennent aussi de plus en plus courants comme s’en rendent compte des psys dans le milieur médical ou des vrais maîtres spirituels, qui récupèrent des disciples totalement brisés psychologiquement grâce à l’enseignement d’autoproclamés Néo Advaita gourous très connus… en particulier pour la qualité de leur commerce et la publicité qu’ils se font à  moindres frais sur Internet ? Ce type de spiritualité que l'on appelle Néo Advaita ou non-dualité se résume à jeter de l'essence sur un feu pour l’arrêter. Et le mental adore le feu et il est prêt à payer cher pour ce genre d'enseignement, qui flatte son caractère aussi longtemps que cela l’excite et ne le brûle pas trop. Mais ce feu qui l'a enthousiasmé pendant un certain temps avec des slogans dans le style "Vous êtes déjà libéré et absolument parfait. La réalité n’est que la projection de vos pensées. Vous êtes la conscience universelle et le Divin en personne. Les pratiques spirituelles sont inutiles parce qu'elles renforcent la présence de l'ego qui les pratique. Soyez positif et ne cherchez surtout pas comprendre. Toute réalité est une illusion, autrement dit soyez ce que vous êtes et ne vous préoccupez pas des autres. Votre petit bien-être égoïste est tout à fait naturel puisque tout le monde est égoïste et cherche  le bien-être. Ce n’est pas de votre faute ni votre responsabilité, mais le problème de ‘votre ego’. La spiritualité traditionnelle était bonne pour des primitifs, qui vivaient dans des grottes perdues dans l’Himalaya et qui ne pouvaient décemment pas connaître la psychologie transpersonnelle. Ne croyez pas vos pensées, ce ne sont que des pensées crues. Etc.", et bien ce feu démagogique et enseignement insensé pour ne pas dire franchement stupide est le pire des poisons présenté sur un magnifique plateau d’argent en guise de spiritualité non-duelle, évolutionnaire ou autres en fonction des goûts du jour.

Quand, dans une de ses dernières vidéos sur YouTube, un Néo gourou dénommé Gérard, docteur en médecine et psychothérapeute selon ses dires, ose demander à une femme de toute évidence très fragile si elle a déjà vu son ego, comme s’il était possible d’observer une identité personnelle (plus ou moins diabolique) dans le cerveau, je me demande vraiment s’il prend les gens pour des imbêciles. Mais cela ne l’empêchera de continuer à manipuler cette pauvre femme et l’arceler avec d’autres idioties de ce genre jusqu’à ce qu’elle craque psychologiquement et fonde en larme. C’est ce qu’il appelle « l’éveil » spirituelle. Et il finira son entretien avec la remarque « Bienvenue au club ». Non merci, surtout pas !

Ce genre d‘enseignements insensés fondés sur des absurdités, la démagogie et une recherche de pseudo bien-être conduit en vérité le disciple à plus d'égoïsme, d'avidité, d'hypocrisie et surtout à toujours plus d’illusions, les mêmes caractéristiques mentales, qui le faisaient déjà souffrir avant même de commencer une recherche spirituelle dont l’objectif était justement de l’en purifier et surtout le libérer du mental. On peut alors dire sans se tromper que ce chercheur de vérité est parti à reculons sur la voie de la libération grâce aux enseignements Néo Advaita et New Age. Il ne lui reste alors plus qu’à remercier les soi-disant gourous, qui l’ont conduit sur cette voie de la libération, mais malheureusement dans le mauvais sens. Pas de chance !

Et pendant tout ce temps, la recherche spirituelle de tous ces braves gens a été une affaire très rentable pour la bande de gourous, qui sont toujours prêts à organiser avec bien sûr beaucoup d’amour et de compassion des conférences, stages et retraites en tout genre dans la mesure où elles procurent encore plus de satisfaction bien narcissique à leurs clients et qui surtout souhaitent leur vendre un maximum de livres, CDs et DVDs, qui dérangent beaucoup moins la vie très méditative du gourou paisiblement assis au bord de sa piscine ou ailleurs en rigolant de son propre enseignement et de la naïveté de ceux qui le suivent. Lui a très bien compris ce qu’est la valeur de la libération qu’il propose à ses clients, valeur financière évidemment.

Comprenez bien qu'un simple CD ou DVD vendu à plusieurs millions d'exemplaires, comme c'est le cas pour tous les grands gourous internationaux, en particulier américains, bien connus sur Internet, rapporte à son auteur plusieurs millions de dollars ou d'euros multipliés au minimum par 10, mais souvent beaucoup plus (tout dépend de l’avidité du gourou en question). La spiritualité n'est pas un petit commerce pour les imposteurs dans le style Eckhart Tolle, qui n’hésite pas non plus à demander 150 dollars pour assister, assis au milieu de centaines d’autres gens, à une de ses conférences, Deepak Chopra qui s’est surtout fait connaître en publiant des livres pour réussir dans la vie et ne pas vieillir et que l’on ne peut décemment pas considérés très spirituels, Gangaji, Adyashanti et la centaine d'autres charlatans en tête d'affiche. Leur fortune personnelle obtenue grâce à la spiritualité s'évalue au minimum en de millions de dollars, voire beaucoup plus (le magazine « Forbes » estime la fortune personnelle du gourou américain Oprah à un minimum de 3 milliards de dollars). N'oublions pas non plus, ce qui est le comble de tout ce commerce du sacré, qu'il s'agit de spiritualité et Néo Advaita enseignés par de soi-disant gourous, qui ont récupéré sans vergogne et réadapté l'enseignement de tout le Vedanta et du Bouddhisme, de Ramana Maharshi et autres authentiques Gourous, obtenu la plupart du temps gratuitement ou à très bon marché en Asie pour le revendre à prix d'or en occident. Merci au Bouddha, Shiva, Ramana Maharshi et Papaji qui n’a jamais demandé un centime à ses disciples ! Mais les Néo gourous actuellement préfèrent les oublier, décrocher les tableaux et ne pas rendre hommage à la source d’informations à l’origine de leur enseignement. Cela évite à leurs disciples de s’égarer trop loin du troupeau et surtout d’aller consommer dans la boutique d’un autre.

Est-ce que cela signifie que la vraie spiritualité passe forcément par la souffrance, la misère, l’altruisme, le renoncement et l’austérité d’une ascèse surhumaine, que c'est une forme de masochisme obligatoire sinon ce ne serait pas vraiment de la spiritualité, qu’il faut vivre comme un mendiant dans la rue pour être pris au sérieux ? Alors pour les simplistes qui se poseront inévitablement ce genre de question, je leur demanderai si être bon, respectueux et correct dans la vie et dans leur pensées est une nouvelle forme de torture, si demeurer pleinement conscient de ce qu’ils sont, de leur psychologie personnelle, leur vie intérieure et le monde dans lequel ils vivent vraiment, en tant qu'être humain sans se prendre pour Dieu, Brahman ou le Soi, est une voie de la souffrance, et si se regarder en face en pratiquant Vichara, c’est-à-dire en demeurant pleinement conscient de la réalité telle qu’elle est, est forcément monstrueux.

Que ceux qui puissent comprendre ouvrent les yeux sur ce qu’on leur vend au nom de la spiritualité et du sacré.

Hari Om Tat Sat

mel patrick