lundi 15 septembre 2014

           

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Essence de l'instruction spirituelle

L'Essence de l'Instruction Spirituelle
(Upadesha Unedhiyar)


Introduction


Contrairement à ses autres poèmes, Ramana Maharshi composa « L’Instruction Spirituelle » sur un thème bien défini et en une seule journée. A cette époque (1927) Muruganâr en était au chapitre Thiru Unedhiyar de son œuvre majeure Sannidhi Muraille[1]. Dans ce chapitre il décrit le Jeu divin de Brahma, Vishnu et Shiva, auxquelles il identifie Sri Ramana, quand il décida de raconter l*incident des rishis de la forêt de Dâruka (Dârukâvanam).

Le Shiva purâna raconte comment une communauté de rishis avait élu domicile dans la forêt de Dâruka afin de pratiquer des rites de magie dans le but d'obtenir des pouvoirs occultes et aussi dans l'espoir d'obtenir la libération. En conséquence:

Ceux qui, en conformité avec
l'antique tradition des ‘Kâmyas Karma[2]
pratiquaient les sciences occultes
dans la forêt de Darukâ
étaient spirituellement sur le déclin

En raison de leur égoïsme fourbe
ils devinrent extrêmement vains
et se convainquirent qu'en dehors
des karmas il n'y a pas de Dieu.

Thiru Unedhiyâr v. 70 et 71

Afin de leur faire comprendre la futilité des rites de magie et des pouvoirs occultes, Shiva apparut parmi eux sous forme d'un bel ascète radieux, tandis que Vishnu l'accompagnait sous forme d'une séductrice (mohini). Les rishis, succombant à ses charmes, négligèrent les rites tandis que leurs épouses s'éprirent du bel et mystérieux ascète et oublièrent leur devoir. Les rishis, furieux, évoquèrent, au moyen de la magie, un éléphant et un tigre qu'ils précipitèrent sur les deux étrangers afin de mettre fin à cette situation. Shiva vainquit les animaux déchaînés et se para de leur peau[3] :

L'orgueil des rishis se dissipa
quand ils virent le résultat des karmas
accomplies dans le dédain de Dieu.

« Sauve-nous, aie pitié de nous! »
Shiva répondant à cet appel
leur accorda son instruction
et son Regard-de-grâce.

Thiru Unedhiyâr v.99 et 100

A ce point crucial du récit, Muruganâr, qui avait composé trois des trente tercets qu'il désirait consacrer à l'instruc­tion de Shiva, réalisa que seul Sri Ramana, qu'il avait d'ailleurs identifié à Shiva, était qualifié pour énoncer cette instruction aux rishis. Sri Ramana finalement acquiesça à sa requête.
Ramana Maharshi devait condenser l'instruction dans le cadre de trente tercets, dans un mètre très serré et très exigeant. Au fil des tercets 1 à 15 il décrit succinctement les chemins traditionnels et les pratiques qui s'y rapportent. Les tercets 1 et 2 condamnent les actions accomplies dans le but d'obtenir un bénéfice quelconque et les tercets 3 à 8 décrivent et approuvent, dans un ordre ascendant méritoire, les actions désintéressées.
La véritable nature de la dévotion (bhakti) est révélée dans le tercet 9 tandis que le 10 confirme que les différents chemins: Karma, Raja. Bhakti et Jnana se rejoignent dans l'accomplissement ultime.
Dans les tercets 11 à 15 le Maharshi décrit le Raja yoga et explique comment cette voie mène au but final. Dans les 15 derniers tercets il énonce d'une manière concise le chemin qui mène à la prise de conscience de Soi-même.
Plus tard, à l'insistance de nombreux fidèles qui ne connaissaient pas le tamoul, tout au moins pas suffisamment pour suivre l'original, Sri Ramana composa le texte en telugu et en sanskrit, puis finalement en malayalam, cette dernière composition sous forme de quatrains. Même Muruganâr, s'il avait des doutes au sujet d'un tercet, se reportait à la version malayalam plus détaillée[4]. Chacune de ces traductions, qui en fait sont des œuvres originales qui abordent un sujet commun de manière différente, reçut le titre Upadesha Saram (l'Essence de l'Instruction). C'est sous ce titre qu'Upadesha Unediyâr est connu à présent. La version sanskrite était chantée quotidiennement en la présence du Maharshi, et continue à l'être devant son Samadhi.

Plus de détails sur le titre tamoul du poème,  Upadesha Unediyâr.


Upadesha signifie « instruction spirituelle[5] » et « unedhiyar » est le nom d'un jeu de jeunes filles, qui n'est plus en vogue de nos jours et au sujet duquel on sait très peu de chose. Le jeu consistait à lancer une balle en l'air aussi haut que possible et à la frapper en plein vol pour la lancer plus haut encore, le tout accompagné d'une exclamation d'allégresse: unedhîpara (unedhî : saute, para :  vole). Cette exclamation de joie revient, tel un leitmotiv, de tercet en tercet à la fin de la seconde et troisième ligne. La présente traduction suit l'original de très près et unedhîpara y trouve sa place, celle de la joie, dans un texte qui nous mène à l'expérience de la réalité: Etre-Conscience-Joie ineffable.

Thlruvâchakam fut traduit en anglais par G.Vanmikanathan et par le révérend G.V. Pope. Ce dernier interpréta, unedhîpara par 'Fly high unedhi’ (vole haut 'unedhi'). G. Vanmikanathan le traduisit par 'Bounce for joy’ (saute de joie). Dans la revue de l’Ashram, ‘The Mountain Path’ de juillet 1985, p. 166, unedhîpara est expliqué, bien qu'indirectement, par Kunju Swami, un fidèle du Kerala qui, au cours d'une conversation, raconta comment deux quatrains avaient été ajoutés è la version en malayalam et comment ils introduisaient l'élément joyeux exprimé dans l'original par unedhîpara. Kunju Swami dit un jour au Maharshi : « Les textes se terminent généralement par un phalasruti qui décrit les bénéfices acquis par la lecture du traité. Bhagavan a évité de composer des phalasrutis pour ses poèmes... mais dans la version en malayalam, d'Upadesha Unedhiyâr deux quatrains ont été ajoutés en guise de phalasruti, ceci à la requête de Balakrishna Swami (un dévot du Kerala) ». Puis il ajouta : « Bhagavan me montra ces quatrains dont le refrain est :
‘ Dansons le Kumi[6] et frappons des mains, jeunes filles !’
De demandai alors si le kumi était réservé aux femmes. Bhagavan ne répondit pas. Le jour suivant il dit à Muruganâr, qui entrait dans le Hall : 'J'ai remplacé l'expression « ô jeunes filles » par « ô bhaktas » puisque Kunju a soulevé une objection à « ô jeunes filles ». Bhagavan me regarda et dit : ‘ Etes-vous satisfait maintenant ?’. »
Lorsque  nous avons demandé à Swami Muruganâr ce que signifiait unedhîpara, le Swami expliqua que l'expression exprimait une grande joie. Il confirma notre sentiment que cette joie était comparable à celle que Ramakrishna éprouvait et manifestait en dansant.

Prologue[7]


Sache, que cette Upadesha Unedhiyar
est une Lampe de Connaissance ouvrée
par Ramana, notre Père spirituel, et transmise
à Muruganâr, qui implora :
« Révèle, je t'en prie, le secret des sâdhanas
authentiques afin que le monde échappe
à la séduction des karmas et gagne ainsi
la libération. »

Le Texte


1.       L'action (karma) fructifie selon le décret de Dieu[8].
L'action étant inerte, Unedhîpara,
Comment pourrait-elle être Dieu ? Unedhîpara.

2.       Le fruit de l'action périt[9] mais la graine demeure
Et plonge l'agent dans un océan d'actions. Unedhîpara.
L'action ne mène pas à la libération. Unedhîpara.

3.       L'action désintéressée et offerte à Dieu[10]
Purifie le mental[11], Unedhîpara.
Et ouvre le chemin vers la libération. Unedhîpara.


4.       Il est certain que le mérite de puja, japa et dhyana,
Les actions respectives du corps, de la voix et du mental, Unedhîpara,
Croît dans l'ordre ascendant ci-dessus[12]. Unedhîpara.

5.       Le culte aux huit formes de l'univers,
Les considérants comme la forme de Dieu, Unedhîpara,
Est un excellent culte de Dieu[13]. Unedhîpara.

6.       Le japa à haute voix est préférable au chant de louange,
meilleur est le japa murmuré.
Toutefois, meilleur encore est le japa mental. Unedhîpara.
Ce dernier est appelé dhyana. Unedhîpara.

7.       La méditation au flot continu, tel un flux de beurre clarifié,
Est une méditation supérieure, Unedhîpara,
A la méditation interrompue[14]. Unedhîpara.

8.       La méditation non-dualiste[15] : « Je suis Lui »
Est préférable à la méditation dualiste[16]. Unedhîpara.
Parmi toutes, c'est la méditation par excellence. Unedhîpara.

9.       Etre, grâce à la force de conviction d'une telle attitude,
Dans l'Etre en soi (Sat) qui transcende toute pensée, Unedhîpara,
Est la nature même de la parfaite dévotion (Para bhakti). Unedhîpara.

10.    L'absorption définitive dans l'Etre, la source du lever[17],
Cela est karma, bhakti, Unedhîpara,
Yoga et jnana aussi. Unedhîpara.

11.    Par la rétention intérieure du souffle, le mental aussi est retenu[18],
Tel un oiseau pris dans un filet. Unedhîpara.
Ceci est une technique de maîtrise. Unedhîpara.

12.    Mental et souffle[19] sont tels deux branches,
Leur fonction respective est de penser et d’agir. Unedhîpara.
Toutefois leur racine est une. Unedhîpara.

13.    La maîtrise du mental est de deux sortes : laya et nasha[20].
Ce qui est en laya  s'élèvera de nouveau. Unedhîpara.
Cela dont la forme est détruite ne s'élèvera plus. Unedhîpara.

14.    Si le mental qui a été maîtrisé au moyen du contrôle du souffle
Est maintenu dans une seule direction[21], Unedhîpara,
Il perdra sa forme (sa nature). Unedhîpara.

15.    Le mental effacé, l'éminent yogi est établi dans la réalité et
N'a plus à accomplir aucune action[22]. Unedhîpara.
Il a rejoint son état naturel. Unedhîpara.

16.    Quand, se détournant des objets extérieurs,
Le mental prend conscience de sa forme[23] de lumière, Unedhîpara,
Cela est véritablement 'connaître’. Unedhîpara.

17.    Si l'on se livre à la recherche de la forme du mental sans la moindre défaillance[24],
Il n'y a pas de mental ! Unedhîpara
Ceci est pour tous le chemin direct. Unedhîpara.

18.    Les pensées constituent le mental; parmi elles
La pensée 'Je’[25] est la racine. Unedhîpara.
Ce qui est appelé le mental n'est autre que 'Je’. Unedhîpara.

19.    Quand le lieu d'où 'Je' s'élève est cherché intérieurement
Ce 'Je' s'effondre[26] ! Unedhîpara.
Ceci est la recherche de la connaissance (jnana vichara). Unedhîpara.

20.    [27] où « Je » se perd[28], « Je » - « Je », l'Un (purnam)
Jaillit spontanément. Unedhîpara.
Cela est l'état unifié de Plénitude (purnam). Unedhîpara.

21.    Cela est, de tout temps[29], le contenu du mot Je[30],
Puisque même dans le sommeil profond, qui est privé de 'Je’, Unedhîpara,
Nous ne sommes pas non existants. Unedhîpara.

22.    Puisque le corps, le mental, l'intellect, le prana et l'ignorance[31]
Sont dénués de conscience et d'existence propre[32], Unedhîpara,
Ils ne peuvent être "Je", la réalité (sat). Unedhîpara.

23.    De plus, pour connaître l'Etre en soi (Ulladhu), il n'y a pas de conscience qui Lui soit autre[33]
L'Etre en soi est conscience. Unedhîpara.
Nous, qui sommes, sommes conscience. Unedhîpara.

24.    Dieu et les créatures sont, dans leur nature propre,
La seule et même réalité[34]. Unedhîpara.
Seul le sentiment envers les attributs[35] (upâdhis) diffère. Unedhîpara.

25.    Connaître le Soi, soi-même ayant renoncé aux conditionnements,
Est connaître Dieu, Unedhîpara.
Puisque c'est Dieu qui brille en tant que Soi[36]. Unedhîpara

26.    Connaître le Soi est être Soi-même[37]
puisqu'il n'y a pas deux Sois[38]. Unedhîpara,
Cela, être Soi-même, est le fait de ‘demeurer dans le Soi’[39]. Unedhîpara.

27.    La connaissance qui est libre de connaissance et d'absence de connaissance[40],
Est connaissance vraie[41]. Unedhîpara.
Il n'y a rien à connaître[42] ! Unedhîpara.

28.    « Quelle est ma forme[43] réelle ? », quand, cherchant ainsi, Soi-même est connu -
L'Etre sans commencement ni fin, Unedhîpara,
Qui est Conscience-félicité indivise, resplendit. Unedhîpara.

29.    Ayant ainsi atteint le bonheur ineffable,
Demeurer dans cet état libre de servitude et de libération, Unedhîpara,
Est être au service de Dieu. Unedhîpara.

30.    Connaître ce qui demeure quand ‘Je' est effacé
Est l'ascèse juste. Ainsi proclame, Unedhîpara,
Bhagavan Ramana, le Soi. Unedhîpara[44].




[1] "Hommage à la Présence". Murugânar composa ce très long poème sur le modèle de Thiruvachakam de Mânickavâchakar.
[2] Rites accomplis en vue d'obtenir des pouvoirs, la richesse et la satisfaction de tous les désirs. Les instructions qui concernent ces rites sont données dans le Purva Mimamsa, une section des Vedas.
[3] Ce paragraphe est un résumé des V. 72 à 98 de Thiru Unedhiyâr
[4] M/P, July 1985 p. 166.
[5] Bouquet d'Instructions: I,3.
[6] Kumi: sorte de danse de jeu de jeunes filles.
[7] Sri Muruganâr composa cette strophe quand Upadesha Unedhiyâr fut inclue dans les Œuvres réunies.
[8] Karthan : Agent, celui qui agit. Ici l'Agent primordial. A une personne qui le questionnait sur l'identité de l'agent dans ce tercet le Maharshi répondit : « L'agent est Dieu (Ishwara). C'est Lui qui assigne le fruit des actions selon le karma de chacun. C'est la Brahman avec attributs (saguna Brahman) qui est appelé Ishwara. Cela veut dire qu'Ishwara  n'est qu'un agent. Il donne le salaire selon le travail accompli, rien de plus. Sans ce pouvoir (shakti) d'Ishwara  aucune action ne pourrait se dérouler. C'est pourquoi il est dit que l'action est inerte. Brahman en soi est libre de tout attribut (nirquna Brahman). » (L/R 1-57)
[9] Le fruit de l'action périt quand nous en faisons l'expérience plaisante ou déplaisante. Dans la version malayalam, le Maharshi dit:
« Les fruits de l'action sont passagers,
mais se transforment cependant en vasanas,
les graines qui se multiplient et plongent
l'agent dans un océan d'actions.
L'action ne peut, en aucun cas,
conduire à la libération. »
[10] Nishkamya karma : action entreprise sans en attendre un profit ou résultat quelconque.
[11] Corrige, rectifie, restaure, le mental.
[12] Dans l'échelle de valeur des pratiques énumérées ici, la méditation (dhyana) est supérieure à la répétition d'un mantra (japa), elle-même supérieure à l'offrande d'un culte (puja).
[13] Il est expliqué dans les textes que le déploiement de l'énergie créatrice divine donne naissance aux cinq
éléments : espace, air, feu, eau et terre ainsi qu'au soleil, à la lune et aux créatures (jivas). Ces huit manifestations, qui sont évocatrices de la Présence divine, font l'objet d’une vénération sous forme de culte
ou de service. Le culte peut être offert à l'une ou l'autre des manifestations cosmiques, tandis que le service ne peut être offert qu'aux créatures, humaines et autres. Quel que soit le service offert, il doit être inconditionnel.
[14] « La méditation doit se dérouler en un courant ininterrompu, c'est elle qui est appelée samadhi ». L'interruption peut être causée par les distractions qui s'élèvent dans le mental ou par la nature de la méditation. Le tercet suivant développe cette idée.
[15] Ananya : non-différenciée, sans-un-autre.
[16] Anya : différenciée, qui comporte une  différence d'identité entre le sujet et l'objet de méditation. Au cours des méditations dualistes, qui sont accomplies par un sujet qui dirige son attention vers un objet de méditation, l'identification entre sujet et objet est atteinte à l'accomplissement parfait de la méditation. Par contre, l'attitude non-dualiste entraîne l'attention de celui qui médite immédiatement vers l'identité ultime « Je suis Lui », selon le mahavakya « Tu es Cela » (Tat tvam asi).
[17] La source du lever de ‘Je', l'identification au corps. Dans la version malayalam Sri Ramana dit : « Le mental demeurant solitaire dans le lieu secret de sa naissance, cela est véritablement karma, bhakti, yoga et Jnana. Ceci est l'essence de ce qui doit être connu. »
[18] La rétention intérieure du souffle restreint les activités du mental, l'attention étant toute entière tournée vers le souffle retenu. Voir "Une Compilation sur la Recherche de Soi-même" chapitre IX dans lequel la pratique du pranayama est décrite. Extraits :
Ramana Maharshi : « Observer la respiration est aussi une forme de pranayama. La rétention du souffle est plus violente et peut, dans certain cas, être dangereuse, par exemple, en l'absence d'un guru compétent pour guider le sadhaka dans sa pratique ». Un visiteur : " Est-il nécessaire, et une condition préalable, d'observer la respiration avant de commencer la recherche ‘Qui suis-je?' ?
Le Maharshi : « Cela dépende de la maturité de chacun, c'est-à-dire de son aptitude, sa compétence. Il est conseillé à ceux dont le pouvoir de concentration, ou de contrôle, est moindre, d'observer la respiration car cela mène, tout naturellement, à l'arrêt des pensées et au contrôle du mental. » (D/D- 1.12.1945)
[19] Manas et prana.
Le Maharshi dit dans la version malayalam :
« Le mental est jnana shakti, tandis que le prana est kriya shakti. Ce sont les deux branches qui jaillissent de l'énergie primordiale, l'unique source. »
et également :
« Le souffle et le mental s'élèvent de la même place, par conséquent quand l'un est contrôlé l'autre l’est aussi. En fait, au cours de la recherche - dont la formule est non seulement ‘Qui suis-je ?’ mais plus correctement ‘D'où suis-je ?’ -  nous n'essayons pas d'éliminer le corps, les sens, etc., afin d'arriver à la réalité qui demeure, nous nous efforçons plutôt de trouver d'où s'élève en nous la pensée 'Je’. Cette méthode comprend en elle-même, bien qu'implicitement seulement, l'observation du souffle : quand nous observons d'où s'élève en nous la pensée 'Je', la racine de toutes les pensées, nous observons aussi automatique­ment la source du souffle. » (D/D- 1.12.1945)
[20] Laya: L'état dans lequel les activités du  mental sont temporairement suspendues. Cet état est appelé manolaya et s'applique aux samadhis de plus ou moins longue durée : savikalpa samadhi et nirvikalpa samadhi. Nasha est l'état dans lequel le mental est totalement et définitivement effacé. Cet état est appelé manonasha. Le Sahaja nirvikalpa samadhi, est l'état naturel (sahaja) libre de toute activité mentale. Ramana Maharshi expliqua : « Ceux qui sont dans le laya samadhi (kevala nirvikalpa samadhi) devront, de temps à autre, ramener le mental sous contrôle. Si le mental est détruit (manonasha, dans son état naturel, le sahaja nirvikalpa samadhi), il ne germera plus. Ce mental est comparable à une graine grillée. Aucune des actions de ceux qui sont dans cet état ne sera intentionnelle. Ils ne tomberont plus de leur état élevé, et ne peuvent rien trouver qui soit différent d'eux-mêmes, tandis que tout semble différent d'eux-mêmes, à ceux qui n'ont pas atteint cet état. » (L/R - 11,19)
[21] Or vazhi : littéralement « sur une seule voie » ou encore « sur la voie du 'connaître’ ». La version télougou donne ces mêmes significations tandis que la version sanskrite  et malayalam précise « sur une seule pensée ». Au cours d'une discussion le Maharshi dit : « Les tercets précédents expliquent que le pranayama  peut être utile pour contrôler le mental. Ce tercet ajoute que l'on ne doit pas permettre au mental ainsi contrôlé de demeurer dans un état de laya qui n'est rien de plus qu'une suspension temporaire de ses activités ressem­blant au sommeil profond mais le maintenir sur une seule pensée, peu importe le contenu de cette pensée, qui peut être le Soi, la Divinité de prédilection ou un mantra ..." (D/0 21.1.1946)
[22] Les actions mentionnées dans ce contexte sont les pratiques d'ascèse auxquelles le yogi a dû se livrer pour atteindre le but ultime. Il est aussi à noter que ce yogi n'a nul désir d'étaler des signes extérieurs de sainteté. Il brille de sa propre lumière. Dans la version malayalam. le Maharshi dit: « Bien qu'il semble Être un homme tout ordinaire l’éminent yogi, dont le mental est  éteint, n'a plus aucune action à accomplir car il a atteint son état naturel. »
[23] De sa nature de lumière. Dans la version malayalam le Maharshi dit : « Quand le mental se retire des objets extérieurs, se tourne intérieurement et contemple sa forme naturelle de pure conscience, cela est la connaissance vraie. »
[24] Littéralement: sans oubli, sans inattention. Voir « Qui suis-je ? », paragraphe 4.
[25] Par l'expression « la pensée 'Je' », le Maharshi désigne l'identification au corps (dehatma buddhi), sans laquelle les pensées ne peuvent s'élever. Voir « Qui suis-je ? », para 4, et « Le Chant à la Louange de la Connaissance de Soi », verset 2, qui expliquent aussi les tercets 19, 20 et 21. Dans la version malayalam, le Maharshi dit :
« Indépendamment des pensées
il n'y a pas de mental.
Ce sont les pensées qui sont appelées
'le mental’. La racine de toutes les pensées
est ‘Je’. ‘Je' constitue donc le mental. »
[26] Littéralement: « de ce 'Je’, la tête s'écroule ».
[27] Thânam: Lieu, place, siège.
[28] Littér.: Où 'Je’ rejoint sa source.
[29] Dans les trois états et les trois divisions du temps.
[30] Var. : le mot  « Je » désigne ce qui demeure constant.
Bien que nous ne soyons pas conscients de notre existence dans le sommeil profond, nous confirmons notre existence dans cet état quand, au réveil, nous disons "J’ai bien dormi", ce qui  prouve notre existence indépendamment de l'identification au corps qui est  absente dans le sommeil profond.
[31] Les ‘cinq gaines’ (koshas) sont énumérées ici. L'ignorance est l'absence de connaissance objective dans le sommeil profond.
[32] Ils ne sont pas auto-agissants et sont inertes (jada) c'est-à-dire non-existants (asat).
[33] Littér. : la conscience n’a pas de non-existence (inemaille), notre être est ‘conscience’. Dans la version malayalam le Maharshi dit:
« Pour connaître Cela-qui-Est
Il n'y a pas de conscience indépendante de "Je".
Cela-qui-Est est pure conscience.
Ne suis-je donc pas cette conscience ? »
Ramana explique le déroulement du raisonnement dans les tercets 22 et 23 : « Il est dit dans le tercet 22 que le corps, le mental, le souffle, l'intellect et la nescience sont ‘asat’, irréels, et ‘jada’, inertes, tandis que ‘Je’ est ‘Eka Sat’, l'unique réalité, ‘Cela-qui-Est’. Reste à savoir si ‘Je’ est Chit (conscience) ou jada (inerte).
La réponse est donnée dans le tercet 23: Sat, Cela-qui-Est, est conscience et, puisque selon le tercet 22, la nature de "Je" est 'Etre', "Je" est conscience. Il arrivait à Bhagavan de dire, en veine d'humour, que ce raisonnement était 'une règle de trois', le premier axiome en mathématique. (GVS -p.59)
[34] Porul : Etre, réalité, substance, principe essentiel.
[35] « Voilà les surimpositions qui s'appliquent, les unes à Ishwara, les autres aux jivas. Si tu parviens à les écarter toutes, tu ne trouverai plus ni Ishwara ni jiva. » (Vivekachudamani v.244). En raison des conditionnements (upadhis), qui sont dus à l'identification au corps, nos connaissances, pouvoirs et longévité sont limités. Ceci étant, nous attribuons à Dieu la perfection des attributs (upadhis); omniscience, omnipotence, omniprésence, immortalité, etc. Quand l'identification au corps est tranchée, conditionnements et attributs cessent d'exister, puisque seule la nature réelle de Dieu et des créatures, l'Etre non né, indifférencié, demeure.
[36] Renoncer aux conditionnements (upâdhis) au moyen de la recherche "Qui suis-je ?» c'est aussi effacer les attributs que nous assignons à Dieu puisqu'il brille maintenant en tant que notre propre réalité, Etre-conscience, qui est aussi Sa réalité.
[37] Connaître : chit (conscience); être : Sat.
[38] Un Soi pour connaître l'autre. Var.: Puisque le Soi n'est pas deux (duel).
[39] Atma nishtaille :  expression fréquente qui désigne cet état dans lequel le sadhak est absorbé dans sa propre
nature, ce qui n'est pas possible aussi longtemps que l'identification au corps persiste. "Je suis" est la réalité, tandis que "Je suis le corps" est l'identifi­cation erronée.
[40] « Je connais » ou « je ne connais pas ». Voir « Huit strophes à Arunâchala », str.2
[41] Dans le texte unemaille signifie vrai, mais qui peut aussi être interprété: ull + maille, auquel cas ce mot signifie être (‘selfhood’ en anglais) et donne lieu à la version ci-dessous :
Le connaître qui est libre de connaissance et de non-connaissance
Est connaître l’Etre en soi, Unedhîpara,
Car il n’y a rien à connaître ! Unedhîpara.
[42] Il n'y a rien à connaître autre que Soi-même. Connaître ou ne pas connaître les deuxièmes et troisièmes personnes (tu, il, elle, vous, eux) n'est pas la connaissance vraie. Seule la connaissance (chit) de l'Etre (Sat), la prise de conscience "Je suis", la première personne authentique, est connaissance vraie, qui est libre de sujet et d'objet. « Je suis » est une expérience indivise, non-duelle, qui ne peut pas être vécue verbalement.
[43] Quelle est ma nature réelle ?
[44] Ce tercet fut composé par Sri Muruganâr.