dimanche 25 novembre 2012

YOGA 2012/2013 - ST MAXIMIN LA STE BAUME - NANS les PINS - BRIGNOLES - TOURVES - SEILLONS SOURCE D'ARGENS - AIX-EN-PROVENCE - JEAN ARACIL - PROFESSEUR DIPLÔ ME FFHY - 06 61 19 88 60 - jean.aracil@yahoo.fr


STAGES de YOGA à ST MAXIMIN 83470



Mardi 18 décembre 2012

Notions de Chakras : roues énergétiques et kundalini
Le chakra de l’air « ANAHATA » (la source du son non frappé)
Pranayama : la marche à suivre dans la pratique du pranayama
Texte Sacré : La vie émotionnelle - PATANJALI

Mardi 15 janvier 2013
Notions de nadis (vaisseaux énergétiques) et grandhis (nœuds énergétiques)
Le chakra de l’éther « VISHUDDI » (le centre de purification)
Pranayama : les rythmes et les techniques
Notion de Mental « MANAS »

Mardi 26 janvier 2013
yoga thérapeutique – partie 2
Pratique; les 3 zones ; gorge (Kanta), poitrine(Kûrma) et abdomen (Nâbhi)
Applications thérapeutiques et vie émotionnelle

 

 
Dans la régénération et la divinisation de l'homme, la première étape consiste à éliminer sa nature bestiale. Le trait dominant chez les bêtes de la cruauté. Par conséquent, sages sages prescrire Ahimsa (non-violence). C'est le plus efficace maître-méthode pour contrecarrer et à éliminer complètement le brutal, cruel Pasu-Svabhava (nature bestiale) chez l'homme.

La pratique de l'Ahimsa développe l'amour. Ahimsa est l'autre nom de la vérité ou l'amour. Ahimsa est l'amour universel. Il est l'amour pur. Elle est divine Prem. Là où il ya amour, vous y trouverez Ahimsa. Là où il ya Ahimsa, vous y trouverez l'amour et le service désintéressé. Ils vont tous ensemble.

Le message d'une de tous les saints et les prophètes de tous les temps et les climats, est le message de l'amour, de l'Ahimsa, du service désintéressé. Ahimsa est le plus noble et le meilleur de traits que l'on retrouve exprimé dans la vie quotidienne et les activités des âmes parfaites. Ahimsa est le seul moyen, non seulement pour atteindre le salut, mais aussi pour jouir de la paix et de bonheur ininterrompu. Parvient à la paix en blessant aucune créature vivante.

Il ya une religion - la religion de l'amour, de la paix. Il ya un message, le message d'Ahimsa. Ahimsa est un devoir suprême de l'homme.

Ahimsa, ou de s'abstenir de causer de la douleur à aucune créature vivante, est une qualité distinctive souligné par l'éthique indiennes. Ahimsa ou non-violence est la doctrine centrale de la culture indienne depuis les premiers jours de son histoire.Ahimsa est une grande force spirituelle.

SIGNIFICATION DES AHIMSA
Ahimsa ou non des blessures, bien sûr, implique la non-mort. Mais, non-violence n'est pas seulement non-mort. Dans son acception globale, Ahimsa ou non des blessures signifie l'abstinence de toute causer de douleur ou de nuire que ce soit à toute créature vivante, que ce soit par la pensée, en parole ou en acte. Non-violence exige un esprit inoffensif, la bouche et la main.

Ahimsa n'est pas simple non-négative blessures. Il est positif, l'amour cosmique. C'est le développement d'une attitude mentale dans laquelle la haine est remplacé par l'amour. Ahimsa est vrai sacrifice. Ahimsa est le pardon. Ahimsa est Sakti (puissance). Ahimsa est la vraie force.

Formes subtiles de HIMSA
Seuls les gens ordinaires pensent que Ahimsa est de ne pas blesser un être vivant physiquement. Ce n'est que la forme brute d'Ahimsa. Le vœu de Ahimsa est cassé, même en montrant du mépris envers un autre homme, en divertissant aversion déraisonnable ou préjugé envers quiconque, en fronçant les sourcils à un autre homme, en détestant un autre homme, en abusant d'un autre homme, en parlant du mal des autres, par la médisance ou de calomnier , en hébergeant des pensées de haine, de mensonges proféré, ou en ruinant un autre homme de quelque manière que ce soit.

Toute parole rude et grossier est Himsa (violence ou de blessure). En utilisant des mots durs pour les mendiants, les serviteurs ou inférieures est Himsa. Blesser les sentiments des autres par le geste, l'expression, le ton de la voix et des paroles désobligeantes est également Himsa. Méprisant ou de montrer discourtois délibérée d'une personne avant les autres est aveugle Himsa. D'approuver les actions des autres difficiles est Himsa indirecte. Pour ne parviennent pas à soulager la souffrance d'autrui, ou même à négliger d'aller à la personne en détresse est une sorte de Himsa. C'est le péché d'omission. Evitez strictement toute forme de dureté, directs ou indirects, positifs ou négatifs, immédiat ou différé. Pratiquer Ahimsa dans sa forme la plus pure et de devenir divin. Ahimsa et la Divinité ne font qu'un.

AHIMSA, UNE QUALITÉ DE LA FORTE
Si vous pratiquez Ahimsa, vous devriez mettre en place avec les insultes, les reproches, critiques et des attaques aussi. Vous ne devriez jamais riposter, ni souhaiter offenser personne, même sous la provocation extrême. Vous ne devriez pas connaître de toute mauvaise pensée contre quiconque. Vous devriez colère port non. Vous ne devriez pas maudire. Vous devez être prêt à perdre avec joie même votre vie pour la cause de la vérité. La vérité ultime peut être atteinte que par Ahimsa.

Ahimsa est le point culminant de la bravoure. Ahimsa n'est pas possible sans l'intrépidité. La non-violence ne peut être pratiqué par des personnes faibles. Ahimsa ne peut pas être pratiqué par un homme qui a terriblement peur de la mort et n'a pas le pouvoir de résistance et d'endurance. Il est un bouclier, et non de l'efféminé, mais de l'efficace. Ahimsa est une qualité du plus fort. Il s'agit d'une arme du fort. Quand un homme vous bat avec un bâton, vous ne devriez pas connaître de toute pensée de représailles ou de toute sensation désagréable vers le bourreau. Ahimsa est la perfection de pardon.

Rappelez-vous les actions nobles de grands sages d'autrefois. Jayadeva, l'auteur de la Gita-Govinda , a donné actuelle vaste et riche de ses ennemis qui coupent les mains, et obtenu Mukti (la libération) pour eux à travers ses prières sincères. Il a dit: "Ô mon Seigneur, Tu as donné à tes ennemis Mukti, Ravana et Kamsa Pourquoi ne peux-tu pas donner Mukti à mes ennemis maintenant!.?" Un saint ou un sage possède un cœur magnanime.

Pavahari Baba a porté le sac de navires et suivi le voleur en disant: ".. O voleur Narayana Je ne savais pas que vous avez visité mon chalet Veuillez agréer ces choses" Le voleur fut tout étonné. Il avait laissé sa mauvaise habitude de cette seconde et est devenu un disciple de Baba Pavahari.

Rappelez-vous les belles actions des saints comme Jayadeva et Pavahari Baba, vous devrez suivre leurs principes et leurs idéaux.

PRATIQUE DE graduel AHIMSA
Quand les pensées de vengeance et de haine surgir dans l'esprit, essayer de contrôler le corps physique et le premier discours. Ne pas proférer de mauvaises paroles et dure. Ne pas censurer. N'essayez pas de blesser les autres. Si vous réussissez à cette pratique par quelques mois, les pensées négatives de la vengeance, n'ayant pas de portée pour manifester à l'extérieur, mourront par eux-mêmes. Il est extrêmement difficile de contrôler ces pensées dès le début sans avoir recours au contrôle du corps et de la parole en premier.

Première contrôler votre corps physique. Quand un homme vous bat, se tenir tranquille. Réprimer vos sentiments. Suivez les instructions de Jésus-Christ dans son Sermon sur la montagne : «Si un homme te frappe sur une joue, présente-lui aussi l'autre joue si un homme prend ton manteau, donne-lui ta chemise aussi.». C'est très difficile au début. Les vieux samskaras (impressions) de la vengeance, de la «dent pour dent», «tac au tac», «œil pour œil», et «payer de la même monnaie" seront tous vous forcer à exercer des représailles. Mais vous devrez attendre froidement. Réfléchir et méditer. Avez Vichara ou d'une enquête à droite. L'esprit devient calme. L'adversaire qui était très furieux deviendra aussi calme, parce qu'il ne peut pas faire opposition de votre part. Il se fait étonné et terrifié aussi, parce que vous vous tenez comme un sage. Tantôt, vous gagnerez une force immense. Gardez l'idéal devant vous. Essayez de nous mettre au travail, mais avec des étapes hésitante au début. Avoir une image mentale claire de l'Ahimsa et ses avantages incommensurables.

Après la maîtrise du corps, de contrôler votre discours. Faire une forte détermination: «Je ne vais pas parler un mot dur pour tout le monde à partir d'aujourd'hui". Vous pouvez échouer cent fois. Qu'est-ce que ça fait? Vous lentement gagner en force. Vérifiez l'impulsion de la parole. Observez Mouna (silence). Pratiquez Kshama ou le pardon. Dire en vous-même: «. C'est un bébé-soul Il est ignorant, c'est pourquoi il l'a fait Permettez-moi de m'excuser lui cette fois Que puis-je gagner par l'insulter en retour..?" Lentement abandonner Abhimana (égocentrique pièce jointe). Abhimana est la cause profonde de la souffrance humaine.

Enfin allez dans les pensées et vérifiez la pensée de blesser. Ne jamais même penser à blesser quelqu'un. One Self habite tous. Tous sont des manifestations d'un seul Dieu. En blessant un autre, vous vous blessez votre propre Soi. En servant les autres, vous servir de votre propre Soi. Aimez tout le monde. Servez tout le monde. Aucune haine. Aucune insulte. Blesser aucun en pensée, en parole et en acte. Essayez de voir votre propre Soi dans tous les êtres. Cela permettra de promouvoir Ahimsa.

AVANTAGES DE LA PRATIQUE DU AHIMSA
Si vous êtes établi dans Ahimsa, vous avez atteint toutes les vertus. Ahimsa est le pivot. Toutes les vertus tournent autour de Ahimsa. Tout comme toutes les empreintes sont logés dans ceux de l'éléphant, c'est aussi le cas de toutes les règles religieuses et morales se confondent dans le grand voeu d'Ahimsa.

Ahimsa est force d'âme. Haine fond dans la présence de l'amour. La haine se dissout en présence d'Ahimsa. Il n'ya pas de puissance supérieure à Ahimsa. La pratique de l'Ahimsa développe volonté de puissance à un degré considérable. La pratique de l'Ahimsa vous fera peur. Celui qui pratique Ahimsa avec la vraie foi, peut se déplacer dans le monde entier, ne peut apprivoiser les animaux sauvages, peut gagner le cœur de tous, et peut soumettre ses ennemis. Il peut faire et défaire les choses. La puissance de l'Ahimsa est infiniment plus merveilleuse et plus subtil que l'électricité ou le magnétisme.

la loi de Ahimsa est autant exacte et précise que la loi de la gravitation ou de la cohésion. Vous devez connaître la bonne façon de l'appliquer intelligemment et avec une précision scientifique. Si vous êtes en mesure de l'appliquer avec exactitude et précision, vous pouvez faire des merveilles. Vous pouvez commander les éléments et la nature aussi.

LA PUISSANCE DE AHIMSA
La puissance de Ahimsa est supérieure à la puissance de l'intellect. Il est facile de développer l'intellect, mais il est difficile à purifier et à développer le cœur. La pratique de l'Ahimsa se développe au cœur d'une manière merveilleuse.

Celui qui pratique Ahimsa développe une forte volonté de puissance. En sa présence, l'inimitié cesse. En sa présence, le cobra et la grenouille, la vache et le tigre, le chat et le rat, le loup et l'agneau, feront vivre tous ensemble en termes d'amitié intime. En sa présence, toutes les hostilités sont abandonnés. Le terme «hostilités ont abandonné» signifie que tous les êtres - hommes, animaux, oiseaux et autres créatures venimeuses abordera le praticien sans crainte et ne pas nuire à lui. Leur nature hostile disparaît dans les en sa présence. Les êtres chez le rat et le chat, le serpent et la mangouste, et d'autres qui sont des ennemis les uns des autres par la nature, renoncer à leurs sentiments hostiles à la présence du Yogi qui est établi dans Ahimsa. Lions et les tigres ne peut jamais faire de mal à un tel Yogi. Un tel yogi peut donner des ordres précis aux lions et les tigres. Ils obéiront. C'est Bhuta-Siddhi (la maîtrise sur les éléments) obtenue par la pratique de l'Ahimsa. La pratique de l'Ahimsa finira par aboutir à la réalisation de l'unité et de l'unicité de la vie, ou l'Advaita (non-dualité) Conscience. Le yogi jouit alors de la plus haute paix, de bonheur et d'immortalité.

LIMITES DE LA PRATIQUE DE LA AHIMSA
Ahimsa absolue est impossible. Il n'est pas possible de le Sannyasin plus consciencieux ou moine. Pour pratiquer cela, vous devez éviter de tuer des créatures innombrables tout en marchant, assis, manger, respirer, dormir et boire. Vous ne pouvez pas trouver un seul non-offenseur dans le monde. Vous devez détruire la vie pour vivre. Il est physiquement impossible pour vous d'obéir à la loi de la non-destruction de la vie, parce que les phagocytes de votre sang aussi en train de détruire des millions de spirilles intrusive dangereux, les bactéries et les germes.

Selon une école de pensée, si l'assassiner d'une vie dacoit nombreux sont enregistrées, il n'est pas considéré comme Himsa. Ahimsa et Himsa sont des termes relatifs. Certains disent que l'on peut se défendre avec des instruments et utiliser un peu de violence aussi quand on est en danger, ce qui n'est pas considéré comme Himsa. Les Occidentaux en général détruire leurs chevaux chers et les chiens quand ils sont à l'agonie aiguë et quand il n'ya aucun moyen de soulager leurs souffrances. Ils souhaitent que l'âme doit être immédiatement libéré du corps physique. Le mobile est le principal facteur qui sous-tend tout.

Un renonçant ou moine ne doit pas se défendre et à utiliser la violence, même si sa vie est en danger. Pour un homme ordinaire, Ahimsa doit être l'objectif, mais il ne tombera pas à ce principe si, par pure nécessité et sans but égoïste, il a recours à Himsa temps en temps. Il ne faut pas donner de clémence à l'esprit à cet égard. . Si vous êtes indulgent, l'esprit sera toujours tirer le meilleur parti de vous et vous inciter à commettre des actes de violence Offrir un voyou d'un pouce, il va prendre une aune : l'esprit s'adapte à cette politique une fois, si vous donnez une longue corde pour son déplacement.

Ahimsa n'est jamais une politique. C'est une vertu sublime. C'est la qualité fondamentale de chercheurs de Vérité. Aucune réalisation du Soi est possible sans Ahimsa. C'est par la pratique de l'Ahimsa seul que vous pouvez connaître et d'atteindre le Soi Suprême ou Brahman. Ceux avec qui il s'agit d'une politique peut échouer plus d'une fois. Ils seront tentés de faire des actes de violence aussi. Au contraire, ceux qui respectent strictement le vœu de Ahimsa comme une croyance sacrée ou canons fondamentaux du yoga, ne peut jamais être dupe dans la violence.

LE VOEU UNIVERSEL
Ahimsa est une Mahavratam ou «grand voeu universel». Elle devrait être pratiquée par tous les peuples de tous les pays. Elle ne concerne pas les hindous ou les Indiens seul. Celui qui veut réaliser la Vérité doit pratiquer Ahimsa. Vous pouvez rencontrer un montant de difficultés, vous pouvez maintenir le montant des pertes, mais vous ne devez pas abandonner la pratique de l'Ahimsa. De première instance et les difficultés sont liées à venir dans votre façon de tester votre force. Vous devriez tenir inflexible. Alors seulement vos efforts soient couronnés de succès sanguine.

Il ya une puissance cachée dans Ahimsa qui protège ses praticiens. La main invisible de Dieu donne une protection. Il n'ya aucune crainte. Que peut faire pistolets et armes blanches?

Même maintenant, il ya des gens qui ne donnent pas la moindre douleur à aucune créature vivante. Ils portent le sucre et le riz à distribuer aux fourmis dans leurs trous. Ils n'utilisent pas de lumières dans la nuit de peur de tuer les petits insectes. Ils font très attention en marchant dans les rues, car ils ne veulent pas de fouler aux pieds les petits insectes.

Heureux sont ces hommes. Ils vont bientôt voir Dieu comme ils ont un cœur très doux.

vendredi 16 novembre 2012

YOGA 2012/2013 - ST MAXIMIN LA STE BAUME - NANS les PINS - BRIGNOLES - TOURVES - SEILLONS SOURCE D'ARGENS - AIX-EN-PROVENCE - JEAN ARACIL - PROFESSEUR DIPLÔ ME FFHY - 06 61 19 88 60 - jean.aracil@yahoo.fr




La pratique du Yoga c’est un retournement substituant :
la posture juste à la performance
la conscience du corps à l’image du corps
l’attention à l’objectif
la détente profonde à la tension
le non-effort à l’effort
la présence à la culture de la sensation.

La pratique du Yoga c’est un retournement qui nous invite au non-faire, nous qui sommes plongés dans l’agitation, au silence, nous dont le mental n’est jamais au repos. A notre esprit conditionné par la pensée dualisante, elle se présente comme un paradoxe constant : rigueur et spontanéité, intensité et détente profonde, détermination et abandon.

 
La finalitédu Yoga

En Inde, dans le sens large, le mot Yoga s'entend de toute voie menant vers la vérité. Dans cette perspective le mot Yoga signifie alors réintégration dans l'Unité. En ce sens la musique, la danse comme tout système de méditation sont des Yogas.

Ce qui nous concerne davantage c'est le Yoga dans le sens du travail corporel, celui qu'on appelle Hatha-Yoga. Ultimement, la finalité de ce travail corporel sera la même, à savoir l'expérience de l'Unité. Cependant cette expérience emprunte une voie particulière : celle qui consiste à éveiller l'énergie cosmique qui réside dans le corps, la Kundalini Shakti. L'éveil de cette énergie requiert un travail de transformation du corps ; dans ce but sont enseignées les postures, appelées asanas, et les techniques de respiration appelées pranayama. Le développement de la concentration et le calme mental sont deux éléments indispensables dans cette voie

Telle est la finalité du Yoga dans le cadre d'une culture datant de 3 millénaires. Pour chacun de nous la finalité est celle qui correspond à nos aspirations. Au commencement, le plus souvent il y a le besoin de se détendre, celui, de renouer avec le corps et de reprendre contact avec son être profond, avec la vérité de soi-même. Ces aspirations sont plus ou moins conscientes lorsque l'on commence la pratique du Yoga ; elles traduisent un total retournement par rapport aux valeurs sur lesquelles fonctionne la société, elles sont un retour vers l'essentiel, vers ce qui donne sens à la vie que nous sommes.

En rapport avec ce travail corporel, il est important d'insister sur les deux tendances qui traversent le Yoga, sans doute depuis les origines.

Le premier courant consiste à transformer le corps, par la pratique des postures et de la respiration ; cette transformation agit sur la conscience qui est à son tour modifiée, c'est-à-dire affranchie de ses limites. Il s'agit d'un processus, donc le temps est nécessaire. L'enseignement traditionnel développe une pédagogie destinée à faire franchir les diverses étapes de ce processus.

Le second courant nie le processus : c'est l'expérience du corps elle-même qui est la transformation. Il n'y a donc aucune fin en soi, aucun objectif, seulement l'attention, le présent. L'attention n'est pas mentale, elle est globale et relève de tout notre être : elle exige une grande lucidité, car il n'y a attention véritable qu'au moment où nous sommes libres de tout conditionnement. C'est cette attention qui transforme ce qui doit l'être. Il n'y a donc pas processus mais une transformation, une mutation radicales, instantanées. Le temps n'intervient pas. Ce courant est représenté par l'enseignement de Krishnamurti : "le premier pas est le dernier pas".


dans quelles dispositions pratiquer les postures ?

Le texte qui fonde la pratique du Yoga s'appelle les Yoga Sutras; la phrase célèbre des Yoga Sutras est la suivante : "sthira sukha asanam" ce qui signifie : la posture est ferme et souple. Nous sommes au cœur d'un paradoxe, d'un côté la fermeté, la volonté, la rigueur; de l'autre côté, la souplesse, la détente. Ou encore nous pourrions dire l'effort et le non-effort, la volonté et le lâcher-prise.

Une posture doit être effectuée de façon très précise, laquelle peut être différente d'une personne à l'autre; prendre la posture requiert aussi un effort, un acte de volonté. La posture juste restructure le corps : elle rééquilibre, redresse la colonne, ouvre la cage thoracique, les ceintures pelvienne et scapulaire. Il y a en cela une rigueur, une exigence. Cette rigueur, cette exigence nous structurent intérieurement; cela est particulièrement important à l'époque actuelle. Une rigueur excessive conduirait non plus à une structure vivante mais à la rigidité. Il y a donc une intelligence dans le travail postural.

L'intelligence s'exprime également dans l'art de prendre et maintenir une posture sans tensions. Pouvons-nous décider d'être parfaitement détendus ? Nous ne le pouvons pas, mais nous avons tous l'aptitude à prendre conscience des tensions qui sont présentes, qu'il s'agisse des muscles des mâchoires, du dos ou de la crispation des orteils. Cette attention amène la détente, elle est écoute, une écoute globale à laquelle tout le corps et tout l'être participent.

La tradition distingue ainsi sthira asanam, la posture dans la fermeté, sukha asanam, la posture prise dans la détente, et gurum asanam. Cette dernière est la posture qui conjugue naturellement sthira et sukha, fermeté et résolution des tensions. Dans la pratique nous commençons par sthira, la fermeté qui crée la structure à partir de laquelle nous serons aptes à diriger notre attention dans le sens de sukha : d'abord l'accent est mis sur la rigueur ensuite sur l'écoute. Dès le départ il y a un dosage entre ces deux pôles; ce dosage est fonction de la personnalité de chacune et de chacun.

Dans mon enseignement je propose cette démarche selon une pédagogie qui s'appuie sur les points suivants :

La rigueur : l'attention est placée dans la façon juste de prendre la posture. Ce n'est pas l'objectif qui compte, il ne s'agit pas d'aller le plus loin possible mais de la façon la plus juste possible.

L'écoute : elle est globale, ce sont tous les sens qui sont en éveil. Dans cette écoute globale, totale, dans cette attention les tensions corporelles se dénouent, la respiration devient calme et le mental s'apaise.

La primauté de la respiration : il ne s'agit pas de faire d'abord la posture puis de plaquer de la respiration sur cette posture ; dans un premier temps la respiration est calme, sans tensions, donc régulière et profonde ; dans un second temps la posture se déroule sur la trame de cette respiration, en accord avec elle.

La neutralité : il ne s'agit pas non plus de rechercher des sensations ou de plaquer des sensations sur les postures. La neutralité signifie que nous ne sommes pas investis émotionnellement dans l'action, par conséquent nous sommes libres ; dans le cas de la posture nous sommes libres d'observer, d'être présents. Les émotions et les sensations, qui leur sont liées n'ont pas à interférer dans nos postures. La culture occidentale considère les émotions et la vie sensorielle comme l'expression de notre personnalité et encourage celle-ci. Pourtant il n'en est rien : les émotions, les sensations et les impressions nous subjuguent et en définitive, si nous sommes tous convaincus de diriger nos vies, ce sont bien ces émotions, ces sensations et ces impressions chaotiques qui la dirigent.

Le rythme : la régularité du rythme dans la posture et dans la succession des postures est fondamentale : les fonctions corporelles sont basées sur des rythmes qui relient le corps à ceux qui ordonnent l'univers.

L'impeccabilité : les trois derniers points sont contenus dans les deux premiers. La notion qui résume cette attitude, cette démarche est l'impeccabilité. Celle-ci ne signifie pas la perfection, elle signifie que l'on place toute son attention, sa vigilance dans la mise en œuvre de ces 5 points. C'est à la portée de chacun contrairement à la perfection.

Nous pouvons tous être attentifs à la façon juste dont nous prenons une posture, à rester dans notre rythme, sans tension, grâce à une respiration juste; ceci amène naturellement la neutralité dont nous sommes alors pleinement conscients. A ce moment nous faisons l'expérience de ce qui est hors du temps, nous laissons le fini pour l'infini, ce que la tradition a exprimé de nombreuses façons.


Relaxation et detente profonde

Le yoga traditionnel n’envisage pas, comme c’est le cas dans les cours en Occident, de séance de relaxation à la fin de la série de postures, et rarement des moments de relaxation entre les postures.

- Dans l’absolu, la relaxation a lieu d’être dans la posture, pas après. La nécessité de se détendre après une posture, indique que celle-ci n'a pas été effectuée de façon appropriée. En définitive c'est le mental qui a conduit la posture et non la sagesse du corps. Le mental est dominé par l'inquiétude ; l'inquiétude constitue la substance du mental. C'est pour cette raison qu'il est toujours pressé, passant sans cesse d'une activité à l'autre : le non-faire lui est insoutenable. Dans ces dispositions, on ne peut qu'effectuer une posture avec un cortège de tensions, et ensuite plaquer sur celle-ci de la relaxation.

- Dans la réalité de chaque jour, les personnes qui pratiquent le Yoga, aujourd’hui, et pas seulement dans les pays occidentaux, vivent dans un tel état de stress que la relaxation finale leur est indispensable. Cependant la relaxation, que ce soit entre les postures ou après celles-ci, favorise la rêverie et la culture des sensations ; ceci est totalement étranger au Yoga.

Pour ces raisons, je préfère le terme et le concept de détente profonde qui me semblent beaucoup plus justes. La relaxation est une technique, elle utilise la suggestion, une certaine forme de rêverie, et cultive les sensations. La détente profonde n’a rien à voir avec une technique, elle procède d’une sagesse, donc toute suggestion est exclue. Elle fait appel à la réalité, qu’elle ratifie simplement. C’est donc un ancrage dans le réel. Cultiver l’irréel, c’est-à-dire, la rêverie et les sensations, et cultiver le réel, cela conduit à des résultats opposés.


Quelle place accorder aux Emotions ?

Cette question revient souvent ; nous sommes tous, à un moment ou un autre, confrontés à des émotions qui nous envahissent, sans savoir que faire, et surtout sans pouvoir faire quelque chose.

Le Yoga classique, traditionnel, a une vision négative des émotions, à tel point qu'il enseigne le contrôle de celles-ci. A l'opposé la psychologie occidentale propose leur intégration. Il est évident que vivre dans le contrôle n'est pas vivre dans la liberté. Intégrer les émotions représente une acceptation, mais le fait même de devoir les intégrer, les fixe comme une problématique, donc, le conflit subsiste.

Avant de déterminer quoi faire, observons quelle est la nature de l'émotion. Les émotions sont nombreuses, toutefois, la tradition indienne en fait un classement en 9 émotions, parfois 8 ou 10 selon les textes. Ces 9 émotions représentent les formes multiples, de l'émotion fondamentale qui est une. Lorsque nous sommes calmes et attentifs, nous percevons nettement que chaque sensation porte une charge émotionnelle : toute sensation est émotion (peur, tristesse, joie, etc...). En réalité la vie est émotion, constamment. Cette émotion, sous ses multiples expressions, est corporelle, elle est d'abord et avant tout ressentie. Nous le savons bien lorsque l'estomac se noue, la gorge se serre ou au contraire, lorsque la poitrine se dilate.

Le problème commence dès lors que nous donnons une dimension psychologique à l'émotion, sous l'impulsion du mental. On cherche donc à analyser, expliquer les émotions. Cependant, l'analyse ne donnera jamais une connaissance totale, profonde, elle restera toujours une connaissance superficielle, car restreinte aux limites étroites du mental.

Nous le découvrons, l'émotion a besoin d'être ressentie, vécue dans une corporalité libre, sensible. Il s'agit d'une écoute, non-mentale, sans intention, sans direction. Cette écoute non-intentionnelle est ce que j'appelle la neutralité. Celle-ci ne consiste pas en l'absence d'émotion ou à une prise de distance vis-à-vis de celle-ci. Reprenons le terme, elle est écoute non-intentionnelle. Pour le moi, l'ego, ceci est insupportable, car dans cette écoute, dans ce silence, dans ce non-faire, l'ego n'est plus. D'où les résistances, les peurs qui font obstacle à cette écoute.

Cependant, dans l'aspiration, la neutralité grandit, s'impose ; alors la nature profonde de l'émotion se révèle en tant que créativité. La créativité n'est pas l'imagination. Laisser libre cours à cette "folle du logis", rechercher l'originalité, cela n'est pas la créativité mais juste l'affirmation de l'ego. La créativité est l'essence de l'être, de la conscience, au même titre que la joie, le silence, la compassion.

Face aux émotions, il n'y a donc pas quelque chose "à faire" ; il s'agit de laisser vivre l'émotion dans le ressenti, la clé est la neutralité.


Yoga et thErapie

La question suivante est souvent fréquemment posée : celle de la posture ou la technique de yoga spécifiques à une pathologie physique ou mentale particulière.

Le yoga n'est pas une thérapie, encore moins une psychothérapie ou une thérapie émotionnelle ; il n'est pas davantage une technique d'épanouissement personnel. Le yoga ne se range pas au rayon des techniques ou des méthodes, aussi nobles ou efficaces soient-elles.

Le monde moderne s'est bâti sur le culte de l'individu, dont le corollaire est l'efficacité. La valeur suprême est en conséquence de s'affirmer en tant que personne, ce qui signifie réussir professionnellement et posséder toujours plus. Pressentant que cela n'est pas le bonheur, encore moins la joie, l'homme moderne a une nouvelle exigence, l'épanouissement personnel.

Ainsi chacun se livre à une compétition effroyable, la vie devient une lutte de tous les instants, l'autre devient l'adversaire. Il faut trouver des techniques, des méthodes, pour toujours plus d'efficacité, et pour retrouver un équilibre, les deux termes étant contradictoires. Quel équilibre peut-on espérer dans ces conditions ? Qui veut voir la réalité telle qu'elle est ? Le culte moderne de l'individu est une tyrannie et l'avidité pour les possessions matérielles une aliénation. Le stress est l'expression de notre lutte incessante.

Le Yoga n'est pas de l'ordre de l'avoir mais de l'être, il n'est pas une technique, mais une profonde sagesse, ce qui signifie que l'approche de l'être humain qu'il propose est un tout. Il ne divise pas la vie en morceaux, avec une technique pour telle partie, et une autre pour telle autre partie. Il nous fait grandir dans l'être. Si à un moment ou un autre une thérapie s'avère nécessaire, alors on suit une thérapie, quelle qu'elle soit, physique ou psychologique, mais en sachant pourquoi on le fait, et ce que l'on fait. Le Yoga n'est pas fait pour résoudre nos problèmes. Par contre, il amène à approfondir notre sensibilité, celle-ci est corporelle avant tout, alors qu'une corporalité tissée de tensions s'exprime par la sensiblerie ou l'indifférence. Dans sa globalité le Yoga fait éclore la connaissance de soi, connaissance non-mentale qui s'enracine dans une corporalité consciente, vivante, sensible. Dans cette connaissance de soi et dans la créativité d'une véritable sensibilité, les problèmes n'ont plus d'actualité.

Les idées sont souvent des dictatures, celle de l'épanouissement personnel particulièrement. Pourtant cette idée est absurde : comment peut-on s'épanouir seul ? Ce serait monstrueux. Le Yoga ne propose pas de devenir autre que ce que l'on est, ou meilleur. Il amène à la disparition de l'individu. Il libère de l'illusion d'être une personne. Nous sommes en effet pathétiquement attachés à ce que nous considérons comme notre identité : le corps et le mental.


La connaissance de soi

La spiritualité n’est ni une question de connaissances livresques, ni une question de sentimentalité, encore moins un syncrétisme facile et naïf. Certes les livres ont beaucoup à nous apporter, l’ouverture du cœur est essentielle mais n’a rien à voir avec un quelconque romantisme spirituel. Toutes les traditions ont leur valeur, mais aussi leurs limites.
Le mot spiritualité est un mot piégé ; je préfère parler de connaissance de soi et de perception de l’intemporel, du sacré.
Le mot méditation est aussi un mot piégé, à notre époque qui déforme et avilit toute chose. Selon Krishnamurti, la méditation est cet espace où l’on explore son propre moi ; cette plongée au fond de soi-même ouvre à cette réalité au-delà de soi et de tout, que l’on peut appeler le sacré.

La spiritualité, la méditation, commencent par l’exploration de soi. Il ne s’agit cependant ni d’une thérapie, ni d’une technique d’épanouissement personnel, encore moins d’idées ou de théories. La plupart des enseignements traditionnels ont transmis cette connaissance de soi, sous des formes contingentes à leur époque et à leur culture. Aujourd’hui, l’enseignement de Krishnamurti me parait extrêmement adapté au monde moderne, parfaitement cohérent et d’une grande profondeur.

Une démarche de Connaissance de soi n’a pas grand-chose à voir avec des techniques, par nature limitées, mais elle fait appel à l’observation, à l’art de voir, d’écouter. Certaines approches de psychologie, fondées sur l’analyse, nous proposent de nous adapter, de nous amender ; ici il est question d’autre chose, d’une révolution intérieure, d’un changement radical. Ceci parce que l’exploration de soi, la connaissance de soi, fondées sur l’observation, amènent à une perception globale, non-mentale, non-conceptuelle, de notre véritable nature ; cette perception nous libère des images, des croyances, des impressions latentes et des nœuds émotionnels qui nous asservissent.


Discipline

La discipline est nécessaire pour apprendre, par exemple à jouer d’un instrument de musique, ou encore les mathématiques.
Mais est-elle nécessaire sur le plan psychologique ? Peut-on avancer dans le yoga ou la connaissance de soi sans discipline ? La spontanéité ne serait-elle pas préférable ?

Nous avons tous besoin de nous structurer, sans doute davantage aujourd’hui, dans un monde qui perd ses repères, qu’autrefois. Sans structure nous ne pouvons bâtir. La discipline, dans un premier temps nous oblige à nous structurer. Puis vient un moment où elle devient restriction : alors, ou bien elle devient un refuge pour éviter de faire face à la vie, ou bien la rigidité gagne le corps et le mental.
Cette évolution est le signe du mauvais usage que nous avons fait de la discipline. Nous l’avons extériorisée en tant que règle imposée par l’extérieur. Cet extérieur peut être notre propre moi qui a intégré une règle qu’il s’impose à lui-même, dans une sorte de refoulement. Nous aurions dû intérioriser la discipline, la rendre vivante, la comprendre, non comme une règle, une obligation morale. Alors elle n’est plus une obligation, mais une nécessité, elle fait partie de l’art de vivre. La discipline extériorisée fait de notre vie une succession de tâches considérées comme des corvées ; intériorisée, la tâche devient joyeuse, et la vie devient spontanéité, liberté, et non plus restriction, revendication.

Tout est appelé à se transformer. Ce que nous ne transformons pas nous sclérose et nous limite. Ainsi la discipline peut être un carcan, cependant elle peut devenir un moyen, indispensable, vers la liberté et la créativité.


Est-il possible de ne pas avoir d’image ?

La question est essentielle : nous ne communiquons pas vraiment car nous avons une image de nous-mêmes, et nous nous accrochons à cette image, l’autre aussi a une image de nous, forcément différente. Nous ne communiquons pas car le dialogue s’établit d’image à image. Toute image est fausse, toute image est donc un mensonge.
Nous avons également des images de la réalité, nous ne sommes pas en contact, ou en de rares moments privilégiés, avec la réalité telle qu’elle est, le "ce qui est", selon l’expression de Krishnamurti.

L’image c’est du passé, dans le présent il n’y a pas d’image. C’est donc un concept, souvent marqué d’une charge émotionnelle intense. Pourquoi ? En cause, il y a le désir d’être quelqu’un ; être, dans le sens plein du terme, et être quelqu’un, cela est antinomique : dès que je suis ceci ou cela, je ne "suis" plus vraiment, je me suis objectivé. Le désir d’être reconnu, d’être quelqu’un, on peut dire aussi le désir de devenir, ce désir est sans cesse à l’œuvre. Il nous faut le reconnaître, sinon nous nous piégeons nous-mêmes constamment.
Ce désir d’exister étouffe un autre désir qui est en nous : le désir, l’aspiration à être vrai. En nous observant, ce qui frappe c’est que le désir d’exister se traduit par une activité inquiète et obsédante de la pensée, alors que l’aspiration à être vrai engendre le silence, le calme. Voici donc la clé : se demander s’il est possible de ne pas avoir d’image c’est en fait poser la question suivante, la pensée peut-elle cesser ? Il n’y a pas de méthode, de technique. La pensée cesse spontanément lorsque l’aspiration à être vrai vit en nous, elle se renforce constamment quand le désir d’exister prend les commandes. Les méthodes, les techniques conduisent à renforcer l’emprise de l’ego, donc de la pensée. Elles peuvent donner l’illusion du silence, mais elles ne peuvent que réprimer la pensée pour un temps. Toute technique nous fait vivre dans la restriction. Ce n’est pas l’effort qui nous transforme, qui nous libère, c’est seulement la prise de conscience. L’effort vient de l’ego, mais la prise de conscience ne peut pas venir de l’ego, sa condition c’est l’abdication de l’ego. Avoir le courage de voir la réalité telle qu’elle est, cela seul suscite la prise de conscience.
La pensée est conditionnée, elle est un automatisme. Elle a son rôle dans le domaine pratique, mais dans le champ psychologique elle représente l’activité de l’ego : par le fait de penser, celui-ci maintient son existence, tout au moins il en donne l’illusion. Quand je ne pense pas, je n’ai pas d’image, alors je ne "suis" pas en tant que "je", en tant que moi séparé, qu’existence individuelle. Je ne suis pas, du point de vue de l’ego.

Dans cette absence de moi, il y a seulement observation ; dans l’autre sens nous pouvons dire lorsque nous observons vraiment, ce qui requiert toute notre attention, toute notre énergie, alors le moi, l’ego est absent, la pensée a cessé. Nous ne pouvons penser et observer en même temps. Dans l’acte de penser il y a dualité : le penseur et la pensée. Dans l’acte d’observer il n’y a plus de dualité, l’observateur et la chose observée, puisqu’il n’y a plus de moi ; il n’y a plus que l’acte d’observer. Alors "je" suis présent, mais ce je n’est pas le moi, l’individu séparé. Il n’est pas personnel.

Nous sommes habités par le passé, donc nous ne sommes jamais neufs ; seul le neuf peut être en contact avec la réalité, toujours neuve, qui ne peut jamais être figée dans une image, dans une idée. La vraie question c’est l’observation : je ne peux pas poser la question ainsi : comment observer, car il s’agit alors d’une méthode et je retombe dans le comment, qui est toujours une question fausse. Mais nous prenons conscience des conditions requises par l’observation : elle doit être sans mobile. Tout mobile vient de l’ego, tout mobile cache un intérêt. "On ne voit bien qu’avec le cœur" dit le Renard dans Le Petit Prince. Le cœur c’est la sensibilité profonde, le sentiment profond, l’émotion profonde, qui sont impersonnels, ce n’est pas la sensiblerie, ni l’émotivité, ou une quelconque forme de romantisme religieux ou sentimental, qui proviennent de l’ego. Ce n’est pas ce que le monde actuel entend sous le terme émotion, qui n’est le plus souvent qu’une forme d’excitation. Le Shivaïsme cachemirien le décrit comme "Spanda", le frémissement.
L’observation est contemplation.


L'EFFORT ET L'ENERGIE

L’action nous demande le plus souvent un effort, l’attention exige elle aussi un effort souvent plus grand. L’attention est nécessaire pour observer la réalité de la vie, pour prendre conscience de la vérité de nous-mêmes ; l’action se doit d’être juste.
Les voies spirituelles, et les morales, mettent l’accent sur l’effort personnel. Le Shivaïsme non-duel du Cachemire met l’accent sur l’ardeur, l’élan ; Krishnamurti lui aussi rejette l’effort et insiste sur la passion, laquelle dans son vocabulaire correspond à l’ardeur du Shivaïsme. Pour l’un comme pour l’autre, cette passion, cette ardeur sont une expression de l’amour.

Il est clair que l’effort est issu de l’ego ; il est peu productif et revêt un caractère prométhéen. L’être humain qui se situe, au moins temporairement hors de cette dimension de l’ego, cet être humain est dans le courant de la vie, et l’énergie est l’expression de la vie. L’énergie ne s’épuise jamais, elle déplace les montagnes. Il est essentiel de ne pas confondre l’effort et l’énergie, cela dans le cadre de l’action, comme dans celui de la méditation, que l’on donne à ce mot le sens traditionnel d’une pratique d’intériorisation, ou le sens que lui attribue Krishnamurti, celui d’observation : observation de notre conscience, de la pensée et de ses mécanismes, une observation de la vie, qui revêt une dimension contemplative.

Qu’il s’agisse d’action ou d’attention, en général nous devons recourir à la discipline ; mais celle-ci requiert l’effort. C’est ainsi que nous procédons, car c’est ce qui nous a été transmis. L’attitude juste n’est évidemment pas de se faire violence, mais d’éclairer, d’examiner pourquoi on n’a pas envie d’accomplir cette action, ou d’exercer son attention. Probablement, découvrirons-nous un manque de clarté, une confusion, qui plombent l’énergie et l’empêchent d’agir.


LE LIBRE-ARBITRE

Le libre-arbitre est une idée récente, apparue avec la philosophie des Lumières, qui exalte l’individu et la liberté. Mais qu’est-ce que la liberté ? Elle est bien difficile à définir. S’agit-il de circuler librement, de faire ce que l’on veut ? On ne peut jamais faire tout ce qu’on voudrait, ce serait d’ailleurs catastrophique.

Le libre-arbitre est l’un des pivots sur lesquels sont rendues les décisions judiciaires. Chacun évoque souvent son libre-arbitre, mais il est intéressant de se rappeler que c’est une revendication récente, que la tradition orientale dans son ensemble est convaincue qu’il n’existe pas. Evidemment la notion de libre-arbitre est la conséquence logique de la primauté de l’individu, et plus fondamentalement de la conviction que nous sommes des êtres individuels.
La science nous apprend que nous sommes toute l’évolution de l’espèce, que nous sommes l’humanité. La psychologie nous montre que nous sommes habités par nos parents, et au-delà par notre lignée généalogique. Dans ces conditions, pouvons-nous nous considérer comme des individus ? Où réside alors notre liberté ?

La conception bourgeoise, matérialiste et étriquée de la liberté ne vaut vraiment pas la peine. Du point de vue de la pensée indienne, l’ignorance de notre vraie nature est la cause de toutes les souffrances. La liberté c’est donc la connaissance non-mentale de notre véritable identité, qui n’est pas individuelle, mais cosmique, puisqu’il s’agit du Soi, l’ultime Réalité non duelle : "tu es Cela" disent les Upanishads.
Le Shivaïsme, en particulier dans le Vijnana Bhairava Tantra, indique qu’une voie d’accès à cette prise de conscience passe par l’entre-deux, l’Instant intemporel. La non-dualité implique la discontinuité : c’est la mémoire qui donne une continuité au temps, une persistance et une identité au moi. Ainsi il y a un espace entre l’inspiration et l’expiration, entre deux pensées, entre deux perceptions. Ces espaces sont autant d’occasions de prendre conscience de la nature du vide qu’ils représentent. Le vide, l’espace, par essence intemporels, sont le Soi.
D’un point de vue psychologique, la revendication à devenir, à exister, à s’affirmer est tout le contraire de la liberté, c’est une restriction, un enfermement. La liberté advient lorsque le désir d’être en tant que moi nous a quittés. Rien ne fait plus obstacle alors à la plénitude de la vie
http://www.yogalyon.com/

jeudi 8 novembre 2012

YOGA 2012/2013 - ST MAXIMIN LA STE BAUME - TOURVES - SEILLONS SOURCE D'ARGENS - AIX-EN-PROVENCE - JEAN ARACIL - PROFESSEUR DIPLÔME FFHY - 06 61 19 88 60 - jean.aracil@yahoo.fr

YOGA SAINT MAXIMIN LA SAINTE BAUME 83470
Renseignements et Inscriptions au 06 61 19 88 60

YOGA Enfants à partir de 6 ans
LE SAMEDI de 16 à 17h - Ecole Paul Verlaine

YOGA pour Femme enceinte
LE MARDI, JEUDI et VENDREDI  
 
Atelier de yoga le 20/11/2012

Le corps subtil - Techniques fondamentales du souffle - le Samkhya (texte sacré)

Stage de yoga le 24/11/2012 de 14h à 16h

le Yoga Thérapeutique 




 http://pierrefeuga.free.fr/coeur.html
LE COEUR
DANS LE SHIVAISME TANTRIQUE
DU CACHEMIRE  

Article paru dans Connaissance des religions numéro 57-58-59.
 
            On sait que, dans les traditions gnostiques de l’Inde (sâmkhya, vedânta, jñâna-yoga), le coeur (hrid ou hridaya) n’est pas associé au sentiment mais à la connaissance; il n’est point le siège des sensations, émotions ou passions mais celui de l’intellect, au sens guénonien du terme, de cette pure intuition intellectuelle (buddhi ou mati) qui voit directement les choses dans leur lumière véritable sans passer par l’intermédiaire du mental (manas). Bien plus, depuis les plus anciennes upanishads [1], le coeur est considéré comme le centre de l’« âme vivante » individuelle (jîvâtman), identique en son essence au Principe suprême de l’univers (Paramâtman ou Brahman). Notre individualité humaine est à la fois somatique et psychique ou, en termes hindous, grossière et subtile. C’est de tout ce composé - et pas seulement du corps matériel - que le coeur (la « caverne » ou le « sanctuaire ») du coeur est le centre. En tant que viscère musculaire, qu’organe central de l’appareil circulatoire, il semble certes commander et rythmer la vie et, lorsqu’il s’arrête, la vie apparemment s’arrête. Mais il ne s’agit que de la vie d’un corps, de ce corps « fait de nourriture » (annamaya). La vie subtile, elle, peut continuer, se prolonger sous d’autres formes individualisées, existant à nouveau autour d’un centre, donc, symboliquement, d’un « coeur ». Mais cela n’est pas encore le plus important. Car, au-delà de la Vie - même écrite avec une majuscule -, au-delà des « vies » - même si l’on ne conçoit pas ces dernières comme une suite mécanique et simpliste de « réincarnations » -, ce coeur métaphysique dont nous parlons demeure en tant que Conscience. Or cette Conscience ne naît ni ne meurt, ne croît ni ne décroît, elle n’est pas plus soumise au temps qu’à l’espace, elle n’a pas de forme, elle n’a pas de cause, pas d’opposé ou de complément, elle EST. Source de vie, le Coeur (n’hésitons pas ici à employer la majuscule) transcende donc la vie. Il est le « Soi » (âtman) le plus intime de l’être, il est l’Etre (sat), il est la Conscience (chit) dont l’unique objet, non distinct d’elle-même, est la Béatitude (ânanda). Il connaît toutes choses mais Lui, nul ne Le connaît (comme on connaîtrait un « autre »). Pour Le connaître, il faut être Lui (« Il Se connaît Lui-même par Lui-même »). Cet enseignement, si simple et insondable, est à son tour au « coeur » de toute la Tradition hindoue ; il en constitue l’essentiel, le noyau indestructible. Il n’est même pas exagéré d’affirmer que quiconque l’aurait compris - intellectuellement compris d’abord puis surtout effectivement « réalisé » - pourrait se dispenser d’étudier tout le reste, toutes les autres spéculations, pratiques ou techniques qui ne sont, selon les expressions védantiques, que des « amusements  d’enfants » et des « châteaux dans les nuées ».
            De quelque façon que l’on considère le tantrisme - comme une réadaptation orthodoxe (et ultime) du Veda à des temps « obscurcis » (kali-yuga) ou comme une révélation divine entièrement nouvelle et autosuffisante qui rend ce même Veda périmé et inutile - une chose est certaine: la doctrine de l’« identité suprême » entre le Soi individuel et le Soi universel, que nous avons vue être au centre de l’enseignement upanishadique, se trouve dans les Agamas et les Tantras maintenue et préservée, tout comme l’importance attribuée au coeur en tant que symbole de l’âtman et « lieu » de l’identification sans retour ou, en un mot, de l’« Eveil » (unmesha, bodha). Ici le lecteur qui connaîtrait principalement le tantrisme par son système des chakra développé dans le hatha-yoga et le kundalîni-yoga - et malheureusement repris et dénaturé aujourd’hui par toutes sortes d’ouvrages médiocres - songerait peut-être au chakra du coeur ou anâhata à douze pétales. Mais il serait victime d’une confusion car ce lotus, où il est dit que doit être tranché le « noeud de Vishnou » (le noeud de la pensée égotique), n’est pas le séjour du Soi [2]. Et d’autre part le « coeur d’Eveil » que nous évoquions n’est pas un chakra parmi d’autres, situé dans la hiérarchie classique des chakra entre manipûra ou nâbhi (le nombril ) et vishuddha ou kantha (la gorge). Il est cela sans doute mais il peut être beaucoup plus, au point de rendre presque superflue la considération des autres « roues ». Mais, pour le comprendre pleinement, il faut se tourner vers la branche la plus métaphysique du tantrisme hindouiste, à savoir le shivaïsme non dualiste du Cachemire ou Trika [3], - nom générique en fait pour plusieurs écoles florissantes entre les IXe et XIIe siècles.
            On rencontre assez fréquemment dans cette tradition les expressions de « Coeur universel », « Coeur divin » ou « Coeur du Seigneur ». Elles sont en intime relation avec la notion de « vibration » (spanda). L’univers tout entier, en effet, résulte d’un ébranlement originel (en réalité hors du temps), d’un choc, d’une vibration ou pulsation. L’univers « bat » et vibre. Mieux, il est cette pulsation, cette vibration éternelle. Il est le Coeur du Shiva suprême (Paramashiva), encore appelé Bhairava (le Terrible), tattva ou mahâsattvâ (Réalité ultime), svarûpa (essence), shûnyatâ (vacuité), âtman (Soi) : Conscience absolue (chiti, chaitanya, samvid) dont la caractéristique essentielle est la liberté (svâtantrya). Car c’est parce qu’elle est souverainement libre que cette Conscience peut se nier elle-même, se cacher à elle-même, obscurcir son essence lumineuse à l’aide de sa mâya-shakti (énergie d’illusion), se diviser en sujet et objet, « moi » (aham) et « ceci » (idam), apparaître sous la forme d’un monde multiple et changeant, dans lequel elle « jouera » à se perdre (le jeu étant l’expression même de la liberté) et duquel elle aspirera plus tard, Elle que rien ne saurait enchaîner, à se « libérer ». Dans sa réalité foncière, cependant, Paramashiva est immuable, à l’égal du Parabrahman des upanishads. Il est Lumière indifférenciée, indivise, inaltérable, à la fois conscience-lumière (prakâsha), resplendissant de son propre éclat, et conscience-énergie (vimarsha) ou énergie (shakti) qui prend librement conscience d’elle-même dans un frémissement premier, un acte pur et vibrant (spanda), identique au souffle de vie (prâna). Mais il importe plus que tout de comprendre que ces deux consciences, symbolisées dans le tantrisme par un couple divin (yâmala), n’en font qu’une (il n’y a pas plus trace de dualisme que de panthéisme, de créationnisme ou d’évolutionnisme dans cette doctrine). Shiva-Shakti constituent la réalité indissoluble de Paramashiva ou Coeur universel.
            Pour rejoindre celui-ci - ce qui est une façon de parler car en vérité il n’y a rien à acquérir, nous sommes déjà ce coeur -, on parle, selon les écoles, de reconnaissance » (pratyabhijñâ) ou d’« élan » (udyama), deux manières assez voisines de souligner le caractère purement intuitif, immédiat et dynamique de ce qui est demandé. Selon la première conception, il suffit, pour recouvrer sa véritable nature, sa « shivaïté », de « reconnaître » celle-ci dans son coeur par une prise de conscience fulgurante qui ne laisse aucune place à l’alternative et au doute, illumination non progressive, non programmée, possible à chaque instant dans la perception d’un objet quelconque (on « y est » ou on « n’y est pas », on ne peut pas y être « à moitié »). Selon la seconde formulation, ce qui permet l’identification avec l’Absolu, c’est un « élan », une adhésion subite et inconditionnelle de la conscience au phénomène, tel qu’il apparaît dans l’instant, sur le vif, sans surimposition. Et là encore cet acte pur, qui est « émerveillement » (chamatkara), ne peut jamais se produire dans le mental, qui n’utilise que du connu [4], mais uniquement dans le coeur, seul apte à saisir le frémissement initial de l’énergie. Mais, pour que cette vérité puisse nous « percuter », il faut quitter les abstractions et épouser la voie (qui, dans sa forme supérieure, devient une « non-voie », anupâya), plonger dans la vie brûlante, faite de surprises et d’obstacles. La tantrisme, en effet, rappelons-le, a peu d’estime pour la spéculation pure et le renoncement ascétique. Il ne dévoile ses secrets que dans une pratique, au sein d’un monde qu’il tient pour « réel » - à la différence du vedânta shankarien - puisque pour lui Shiva est la Totalité, à la fois transcendante et immanente, et que rien, pas même le changement, pas même l’illusion ou l’ignorance n’est extérieur à Shiva [5]. Aussi, dans la voie tantrique, fait-on feu de tout bois. Comme l’écrit Abhinavagupta, le maître le plus éminent du Cachemire, égal en profondeur à Shankara et Nâgârjuna: « Au moment de pénétrer dans la Réalité suprême, on considère comme un moyen tout ce qui se trouve à portée, fût-ce licite ou illicite; parce que, d’après le Trika, on ne doit alors se soumettre à aucune restriction [6]. »
            Cet élan du coeur, qui court-circuite toute raison, les docteurs du Trika le comparent encore à la précipitation haletante du père ou de la mère qui bondit pour sauver la vie de son enfant; ou bien à l’état intérieur de l’homme qui cherche à se souvenir d’un mot oublié: après des efforts répétés et vains, soudain le mot jaillit dans la conscience, « comme un produit direct du coeur ». Intensifiée, canalisée, maîtrisée, cette énergie brute reçoit alors le nom de bhâvanâ. Il s’agit là d’une faculté tantrique essentielle, qu’il est impossible de rendre d’un seul mot. Elle est à la fois imagination créatrice (imaginatio vera, disaient nos alchimistes, et non imaginato phantastica), puissance intuitive, capacité d’évocation sensorielle (concernant les cinq sens et pas seulement la visualisation, comme on le croit souvent), très grande plasticité psychique et sensibilité spirituelle suraiguë, - et son énergie, en tout cas, est telle qu’on la dit apte à « fixer » la pensée (presque encore au sens hermétique), le paradoxe étant que, pour donner sa pleine mesure, elle ne doit s’accompagner d’aucun effort corporel ou mental. Détente parfaite, apaisement, « état naturel » constituent le terrain ou l’arrière-plan sur lequel bhâvanâ peut pleinement se déployer. Et là aussi toute sensation subtile, toute évocation part du coeur et vient s’y résorber. La moindre interférence mentale ou égotique (ce qui est la même chose, le mental n’existant que pour la survie de l’ego) détruirait l’« émerveillement » et nous replongerait dans le monde de la dualité. C’est pourquoi, dans cette voie, vigilance et lucidité sont indispensables, au moins autant que l’« imagination vraie ». En outre il faut préciser que la spontanéité n’est pas le « spontanéisme », tel que l’entendent certains courants modernes. Il ne s’agit pas ici d’une « mystique sauvage », quête aveugle et infra-rationnelle de sensations occultes, recherche de transe ou d’extase à tout prix. Etre ouvert à la Totalité ne veut pas dire accepter n’importe quoi. Comme toute voie indienne, le Trika suppose donc une initiation, un climat spirituel, un encadrement, une perspective. Ce qui en lui peut séduire - l’extraordinaire liberté et variété des moyens proposés - ne doit nullement faire oublier son exigence et son caractère irréductible à toute vulgarisation. Pour y entrer, pour ne pas s’y perdre, on doit avoir une « vocation », une prédisposition « héroïque » ou « divine ». Elitisme il y a bien, même s’il ne s’établit pas sur des critères de race, de caste, de sexe, de morale conventionnelle ou de savoir livresque. Là encore le choix se fera par le coeur et la transmission s’opérera « de coeur à coeur » [7].
            Comment épanouir le coeur, comment d’abord y pénétrer? Si le coeur est vraiment la porte et la clé, l’ouverture et la voie, « l’accès au sans-accès » selon l’expression shivaïte, existe-t-il des moyens - autres que la simple foi, l’élan, la ferveur - pour transmuer cette certitude théorique en expérience vivante? Abhinavagupta répond: « Il faut que le sage pénètre dans son coeur au moment où son énergie est fortement stimulée; quand il s’absorbe dans la pure énergie subjective; quand il accède à l’extrémité de toutes les nâdî; lorsque l’énergie se rétracte dans le Soi universel ou encore s’épanouit (en s’intégrant) à tout l’univers. » Ces propos fort elliptiques appellent quelques commentaires et surtout quelques exemples que nous emprunterons en grande partie à l’un des Tantras les plus vénérés du Cachemire: le Vijñâna-Bhairava [8].
            Le premier de ces cinq moyens fait allusion à l’« effervescence de l’énergie » (shaktishobha), au choc vibratoire que peut susciter, chez un être de sensibilité affinée et doué également de vîrya (puissance virile concentrée, vitalité profonde et mûre) une impression sensorielle quelconque: son, cri, chant, image, couleur, forme belle, toucher, saveur, odeur, et aussi souvenir, évocation voluptueuse. Tout plaisir sensuel en effet renvoie à l’énergie divine de félicité (ânandashakti) ou « pointe » vers elle (ou en est un reflet si l’on voit les choses en sens inverse) car tout désir profondément est désir du Soi dans sa plénitude. La jouissance, qu’elle soit esthétique ou amoureuse, est donc par nature unifiante, elle abolit ou suspend la dualité entre sujet et objet. Mais alors que le profane ne vit généralement ces moments que dans une saisie avide ou bien comme une compensation à un mal-être - une lueur brève dans une existence terne -, le yogî s’y établit avec une sorte de fraîcheur lucide jusqu’à y retrouver la « saveur » (rasa) de sa vraie nature. Il assiste en lui-même au déploiement et à la résorption de l’énergie, il « retourne », pour ainsi dire, l’énergie en conscience, il épouse si bien le mouvement passionnel ou émotionnel qu’il s’en rend maître et s’en détache. Telle est la signification profonde des rites secrets de la « Main gauche » (sur lesquels on a dit tant de bêtises), et le fait que, même en Inde, ils aient pu être déformés ou détournés - et cela bien avant notre époque - n’y change rien. Ces moyens prohibés par l’orthodoxie brahmanique - l’alcool, la consommation de viande, l’union sexuelle avec une « messagère » (dûtî) ou une yoginî -ne sauraient « libérer »  que des êtres déjà libres d’égoïsme, d’avidité, d’attachement. Pour les autres ils ne seront que ténèbres sur ténèbres, poisons sur poisons. En ce qui concerne l’énergie sexuelle en particulier, il est clair qu’elle n’est spirituellement opérative que si elle coïncide avec la force ascensionnelle de la Kundalinî. C’est à l’intérieur du « canal médian » (madhyanâdî) que les amants doivent éprouver l’afflux de félicité (ânandasamplava) et cela, précisent certaines écoles, de façon « simultanée » (sâmarasya, « saveur commune »). Et c’est dans le rayonnement du coeur que doit se produire la transmutation de la semence chez l’homme et du « sang » chez la femme, fusion du « blanc » et du « rouge » qui constitue, avec la maîtrise du souffle et la mise à mort du mental, un des « trois joyaux » tantriques (triratna).
            Cette pratique n’a de toute façon aucun caractère contraignant ni obsessionnel, elle n’a été recommandée - et parfois pour un temps limité - qu’à certains hommes ou femmes doués d’un tempérament approprié. Pour susciter l’émerveillement, pour plonger dans le coeur vibrant (sahridaya), les maîtres du Cachemire nous suggèrent ce moyen mais aussi, comme sur le même plan, beaucoup d’autres. Ecoutons Somânanda, fondateur de l’école Pratyabhijñâ: « On perçoit le premier ébranlement de la volonté dans la région du coeur au moment où l’on se souvient de quelque chose qu’on doit accomplir (mais qu’on avait oublié); à l’instant précis où l’on apprend une nouvelle qui cause un grand bonheur; lorsqu’on éprouve une peur inattendue; quand on perçoit de façon imprévue une chose que l’on n’avait jamais vue; à l’occasion de l’épanchement du sperme ou lorsqu’on en parle; et aussi quand on récite (un texte) d’une façon très précipitée ou lors d’une course (échevelée). Dans ces multiples circonstances, toutes les énergies de la conscience sont frémissantes (vilolatâ) et elles sont brassées les unes avec les autres en un seul acte vibrant [9]. » Ainsi toutes les émotions fortuites de la vie (joie, surprise, appréhension, frayeur, affolement, déception, vexation, frustration, curiosité, colère, faim, soif, vertige et même éternuement...) peuvent-elles être positivement exploitées et réorientées, du moins quand elles atteignent un certain paroxysme, une certaine intensité vibratoire et surtout quand elles sont « dénudées » - pour reprendre le vocabulaire évolien -, c’est-à-dire dépouillées de toute surimposition morale (justification, condamnation, bien, mal), non nommées, non conceptualisées, vécues comme de pures énergies divines (ou parfois démoniaques, si on les refuse ou si on ne peut les intégrer). A l’instant précis de son surgissement, toute émotion ou passion, toute tendance psychique est « pure », unique, indifférenciée; la conscience la pénètre totalement, la dualité n’existe pas. L’erreur et le danger ne naissent que quand le « Je », d‘abord un avec l’expérience, s’en distingue (ce qui va très vite), se pense et se pose comme sujet, agent, expérimentateur: je suis furieux, je suis triste, je suis joyeux, etc. Plus le mouvement émotionnel est fort, plus l’ego d’ailleurs est lent à se reconstituer. Il est « débordé » et privé de ses repères. Cet instant de désarroi peut être une chance spirituelle. Le silence, le vide, la dépossession remplacent le tumulte et, n’ayant plus rien à saisir ni à quoi se raccrocher, l’être à bout de ressources peut enfin se trouver face à face avec sa véritable nature, « roi nu ». C’est là, plus que jamais, qu’il doit s’enfoncer dans la vacuité de son coeur et réaliser ce vide non comme un néant, non comme une halte provisoire ou un refuge consolateur mais comme son essence originelle et intemporelle, - ce qu’Abhinavagupta appelait plus haut « s’absorber (ou se résorber) dans la pure énergie subjective (entendons du Sujet transpsychologique) ». C’est alors la « Reconnaissance », comme de retrouver (mais d’une manière inattendue) un être cher après une longue séparation.
            La plupart des moyens d’Eveil que nous venons de parcourir sont en quelque sorte fournis par la vie et l’on ne peut guère les provoquer, on peut seulement les accueillir et les transformer lorsqu’ils surgissent. S’ils ont la faveur des shivaïtes, c’est précisément en raison de ce caractère non fabriqué, non mental, non prévisible. En revanche il est d’autres procédés qui relèvent davantage d’une méthode, d’un yoga: yoga différent du râja-yoga de Patañjali sans doute, lequel repose sur un certain fond « dualiste » (le sâmkhya) et sur l’idée d’« union » (étrangère au monisme pur où il n’y a rien à unir); différente aussi du hatha-yoga de l’école Nâth, qui est à la fois volontariste, gradualiste et « violente », trois qualificatifs qu’on ne peut guère appliquer au Trika [10]; mais yoga tout de même, qui ne croit guère aux « exercices », aux disciplines, aux refrènements, mais suit son propre chemin, libre et insaisissable pour atteindre l’Eveil. La connaissance approfondie des chakra, des nâdi, autrement dit du corps énergétique, fait partie de cette tradition, même si la description qu’elle en donne diffère parfois de celle des écoles mieux connues en Occident. Ainsi le terme chakra (on en distingue essentiellement cinq) y garde-t-il son sens plein de « roues » tournoyantes et vibrantes [11]; les nâdi - dans la même perspective dynamique - n’y sont pas des conduits statiques et pour chacun identiques par lesquels les souffles circuleraient mais des « courants », des « flux » que l’on doit apprendre à capter, à vivifier, à dilater ou à apaiser, notamment à partir du coeur. Le déplacement de ces énergies très subtiles est volontiers décrit comme un fourmillement et le Vijñâna-Bhairava (66) fait même allusion à des techniques d’effleurement ou de « chatouillement » des aisselles ou d’autres endroits particulièrement sensibles pour susciter l’épanouissement de la conscience [12]. Quant au coeur, lorsqu’il n’est pas visualisé comme une roue rayonnante à douze rayons, il est décrit comme une cassette ronde et creuse, faite de deux lotus entrelacés: le lotus supérieur, d’après un commentaire, figure la connaissance  et le lotus inférieur, l’objet connu; entre eux, dans le vide intermédiaire (madhya), réside le sujet connaissant (V.B. 49). On exalte encore (avec des termes tels que kha, hridâkâsha, vyoman, antarvyoman, paravyoman) l’« espace du coeur », l’« éther du coeur », la « voûte » ou le « firmament  du coeur ». Ces expressions valent plus par leur puissance évocatoire que par leur rigueur doctrinale. Ils renvoient à la double notion connexe de « milieu » et de « vacuité » (le moyeu vide de la roue qui fait tourner la roue: c’est d’ailleurs un des sens du mot kha) et l’on pourrait certes se demander, en bonne orthodoxie védantique, ce que signifie vraiment un « espace vide » (un « contenant sans contenu », comme s’interrogeait Guénon). Il faut spécifier d’autre part que la « vacuité » dans la doctrine Trika est différente de celle que l’on rencontre dans les textes Mâdhyamika (bien que des influences réciproques ne soient pas exclues et que, sur un plan opératif, le tantrisme hindouiste et le tantrisme bouddhiste offrent de grandes similitudes). Il ne s’agit pas ici d’évacuer l’être, le Soi (qui pour les Hindous reste indestructible, irremplaçable car il se confond avec la Conscience même), mais de vider cet être, si l’on peut dire, de tout ce qui serait « objectif » (mental ou matériel, nom-et-forme), de le « désobjectiver » [13]. Cela relève d’un art. Evoquer (au moyen de bhâvanâ) la vacuité dans n’importe quelle partie du corps, de manière instantanée et éblouissante; ou bien étendre cette vacuité à l’« objet corps » tout entier; méditer sur celui-ci comme s’il ne contenait rien à l’intérieur, la peau n’étant qu’un « mur », une pellicule diaphane entre deux vides, etc.: tout cela, dans une certaine mesure, s’apprend mais se heurtera souvent à des résistances insoupçonnées. L’individu n’accepte pas facilement de quitter la prison qu’il s’est lui-même construite. C’est une chose que de jouer philosophiquement avec l’idée de vacuité et c’en est une autre que de la réaliser directement dans son corps et dans son mental, jusqu’à n’être plus qu’une forme vide, une énergie sans contours, sans limites, rayonnante et vibrante [14].
            Relèvent d’un art également les pratiques de souffle lorsqu’elles sont intériorisées et non pas réduites à une simple jonglerie respiratoire en vue d’obtenir des « pouvoirs ». Le souffle expiré (prâna dans cette tradition) part du coeur et va mourir dans un « point » situé à douze largeurs de doigt du bout du nez (le « dvâdashânta externe »); depuis ce point, avec l’inspiration (apâna), le souffle revient se reposer dans le coeur: c’est là le stade élémentaire de la méthode qui, cependant, poursuivi avec sérieux, apporte déjà l’équilibre et la quiétude. Dans un stade ultérieur et supérieur, le souffle sera verticalisé, conduit depuis le coeur, en bas, jusqu’à la couronne de la tête, en haut (le « dvâdashânta interne »), l’expiration étant toujours conçue comme la force ascendante et l’inspiration comme la force descendante. Dans ce transfert (d’ailleurs spontané) de l’horizontalité à la verticalité, de l’« amplitude » à l’« exaltation », on serait tenté de voir ce que d’autres traditions ont appelé le passage des « petits mystères » aux « Grands Mystères » - et l’on ne peut ici que rendre hommage aux lumineuses intuitions de René Guénon. Si la conquête du coeur exprime le retour à l’« état primordial » ou édénique, si elle équivaut à la réintégration du centre de l’être humain où se reflète le Centre suprême, alors on est obligé d’admettre que cet état, pour élevé et merveilleux qu’il soit, ne représente qu’une étape avant les « cieux » supraformels que symbolisent les chakra supérieurs et enfin la véritable transcendance ou « Délivrance » (moksha) que marque la traversée de la fontanelle. Dans le kundalinî-yoga « classique » - si cette expression a un sens - c’est bien ainsi qu’on doit envisager les choses. Mais dans le Trika il faudrait y regarder plus avant, car cette tradition n’établit pas une hiérarchie aussi nette entre les centres et n’envisage pas la progression de l’un à l’autre d’une manière aussi systématique. Pour elle l’énergie est partout - comme la conscience - et elle peut être épanouie à partir de n’importe quel chakra. S’il est recommandé de l’éveiller à partir du coeur, c’est surtout parce que ce centre, par sa nature « vide » et médiane, possède un pouvoir spontanément unifiant qui se transmet sans effort à tous les autres [15]. Mais, même si l’on situe Shakti dans le coeur et Shiva dans la fontanelle (ou l’inverse qui se rencontre aussi), cela n’implique jamais un rapport de subordination puisque Shakti est Shiva et Shiva est Shakti [16].
            Nous avons parlé du mouvement des souffles. Il serait plus juste au fond de parler des intervalles. C’est en effet dans ceux-ci que l’Eveil perce, jaillit et resplendit, tandis que le mouvement, l’alternance nous maintiennent toujours dans la dualité. Intervalles donc entre les souffles (ce qu’exprime mal le mot de « rétention ») mais aussi entre les pensées, les perceptions, les désirs et même les objets matériels (tout ce qui est faille, ouverture, interstice). On tient pour très important, lorsqu’un mouvement psychique s’arrête (de lui-même, par épuisement) de ne point se précipiter mécaniquement dans un autre mouvement, une autre activité, une autre idéation mais de demeurer dans ce repos, sans attente et sans projection. La vacuité alors expérimentée recèle une incommensurable énergie, une potentialité d’Eveil, à la condition toujours de ne pas s’identifier à elle car, dans la perspective tantrique, répétons-le, le vide n’est pas ultime: c’est encore un objet, donc un obstacle, tant qu’il s’oppose à un sujet qui le perçoit comme « vide » et se perçoit lui-même comme « étant vide ». Autrement dit, il faut être capable de réaliser le vide lui-même comme vide. Alors ce « vide-de-vide » (expression que l’on trouve aussi dans la spéculation mahâyânique) peut « basculer » et se résorber dans la Plénitude (entendue ici non comme le « contraire » du vide mais comme Paramashiva, le sans-limite, la Totalité, la négation de toute négation, donc l’absolue Positivité).
            Intervalles enfin entre les états de conscience et d’abord les deux que connaît l’individu en tant que tel: entre l’état de veille et l’état de rêve, dans l’endormissement, ce passage insaisissable pour l’homme ordinaire entre le monde des objets sensibles et le monde des objets mentaux. C’est alors qu’il faudrait placer sa conscience dans son coeur (nous voulons dire la placer activement car, de fait, ce transfert se produit de lui-même dans le sommeil), afin d’obtenir la « maîtrise des rêves », c’est-à-dire la capacité de passer de l’état passif et hallucinatoire du rêve habituel, chargé des résidus de l’état de veille, à l’état, pleinement conscient et spirituellement dirigé, du rêve lucide (V.B. 55). L’autre passage, celui du sommeil au réveil, ne devrait pas moins retenir l’attention. De la même façon que Shiva produit - ou en termes judéo-chrétiens « crée » - l’univers en ouvrant les yeux et le résorbe en les fermant, chaque individu crée chaque matin son propre monde en s’éveillant et le résorbe en s’endormant. Le monde en effet n’existe pas indépendamment de la conscience. L’objet apparaît avec le sujet, s’évanouit avec lui. Veillant, rêvant, dormant sans rêve, nous passons d’un monde (c’est-à-dire d’un état de conscience) à l’autre, aucun n’étant ni plus ni moins « réel » que l’autre. Du point de vue ultime, l’univers n’a jamais commencé et ne finira jamais pour la simple raison que le temps continu n’existe pas, pas plus que le passé (simple phénomène de mémoire), le futur (simple projection de la mémoire) ni même le présent (qui, sitôt pensé, est déjà passé). Il n’y a que des instants toujours « actuels » dès que la conscience s’en saisit et il n’existe nulle part d’entité, de substance appelée « Temps » qui relierait ces instants entre eux. L’instant, en vérité, n’est que la « durée d’un acte de conscience [17] ». Seule cette conscience « mesure », supporte les choses et leur prête une réalité. Le yogî, qui ne croit pas au Temps, sait en revanche se glisser dans le vide interstitiel qui sépare les instants successifs, il les disjoint, les disloque, pour rejoindre le Coeur, l’instant-choc, l’instant éternel.
            Au terme de ce voyage au centre du Soi, dont nous n’avons esquissé que quelques aspects, le pèlerin, devenu « roi des yogîs » (yogîndra), aura acquis, sans vraiment le chercher, le double pouvoir de Shiva: celui de rétracter le monde en un seul point (samâdhi aux yeux clos: nimîlaramâdhi) et celui de le manifester, dans une libre et totale expansion des sens (samâdhi aux yeux grands ouverts: unmîlanasamâdhi). Dès lors, que lui resterait-il à accomplir? Libéré de tout, il est libre pour tout. Rien ne lui est extérieur. Il perçoit tout en lui-même comme son propre Soi et son corps limité est devenu le corps cosmique de Bhairava, la « Merveille cosmique » (vapus). Un avec la Shakti, indiscernable d‘Elle, « Il Se connaît Lui-même par Elle-même ». Vis-à-vis des « autres » - qu’il ne voit plus comme réellement séparés de lui - il n’est que grâce, amour, ruissellement de dons et de faveurs. S’il n’est pas encore devenu un « délivré vivant » (jîvan-mukta), la mort, qui n’est jamais elle aussi qu’un intervalle, lui donnera l’occasion de se fondre enfin dans le Coeur de Shiva, le Très-Bénéfique.
 
Pierre Feuga
 


[1] « Quel est donc ce Soi (âtman) ? - C’est cet Etre infini (purusha) qui s’identifie avec l’intellect et qui réside au milieu des organes - c’est cette Lumière qui brille au-dedans du coeur » (Brihad-âranyaka-up., IV, III, 7). « Dans ce séjour de Brahman est un petit lotus, une demeure dans laquelle est une petite cavité occupée par l’Ether (âkâsha) ;  on doit rechercher Ce qui est dans ce lieu et on Le connaîtra » (Chândogya-up., VIII, I, 1). « Brahman est réalité, connaissance, infinitude. Celui qui sait qu’il est caché dans le creux (du coeur) et au suprême firmament, il réalise tous ses désirs avec le sage Brahman » (Taittirîya-up. II, 1). Pour ce qui est des upanishads plus récentes, on pourrait multiplier des citations analogues.
[2] Celui-ci est figuré par un lotus à huit pétales en dessous du péricarpe de l’anâhata. Cf. le Satcakranirûpana dans la trad. de Tara Michaël: Corps subtil et corps causal, (Le Courrier du Livre, 1979,  p. 118-119). C’est sur ce lotus rouge dont la corolle est tournée vers le haut que l’adoration mentale (mânasa-pûjâ) de la divinité d’élection (ishta-devatâ) doit être pratiquée. C’est aussi là que se trouve le « passage » par lequel l’âme du sage s’échappe au moment de la mort.
[3] Trika signifie « triade », ce qui peut être interprété à différents niveaux: soit la conscience (Shiva), l’énergie (Shakti) et l’individu limité (qui d’ailleurs ne font qu’un) ; soit les trois voies de retour vers l’Absolu qui leur correspondent (voie divine, voie de l’énergie, voie de l’individu) et qu’étudie spécialement l’école Spanda (ou Trika au sens étroit du terme); soit encore les trois énergies de Shiva (son « trident »): volonté, connaissance, activité. Autres triades implicites: sujet connaissant, connaissance, objet connu ; Agama, Spanda, Pratyabhijñâ (les trois sources textuelles ou shâstra que reconnaissent les shivaïtes du Cachemire). Notons enfin que le mantra suprême de ceux-ci, AHAM (le Je universel correspondant au HÛM tibétain), est composé de trois éléments : A + HA + M. A et HA sont respectivement la première et la dernière lettre de l’alphabet sanskrit, ils symbolisent Shiva et Shakti. M symbolise l’individu. Toutes les lettres comprises entre A et HA représentent les différentes puissances cosmiques présidant à la manifestation, les mâtrikâ.
[4] Le mental est composé de quatre facultés principales : raison, mémoire, volition et imagination (passive, à distinguer de bhâvanâ). Par aucune de ces quatre facultés, ni par leur conjugaison, il n’est possible d’atteindre l’Eveil. Mais, une fois l’Eveil obtenu, on « réalise » que le mental aussi est dans Shiva puisque tout, absolument tout est dans la Conscience. Dès lors la pensée est perçue comme une forme, une manifestation de la Conscience, et elle cesse d’être une entrave. Il faut noter d’ailleurs que la « mise à mort du manas dans le coeur » (qui est un des « trois joyaux » tantriques) n’implique pas la cessation définitive de toute activité mentale. Ce qui est brisé, « tué », c’est la relation entre l’ego et la pensée. Il reste une pensée mais il n’y a plus de « penseur ».
[5] La principale différence peut-être entre les deux « non-dualismes », celui du vedânta et celui du Trika, tient à la conception de la liberté. Le vedântin pense essentiellement à « se libérer », à être « libre de » (en anglais freedom from) et il met pour cela l’accent sur la renonciation, l’élimination, l’isolement. L’approche du Cachemire est, elle, englobante, elle n’exclut rien. C’est être « libre de » mais en un sens positif : « libre de faire » (freedom to). Pour une comparaison approfondie entre les deux doctrines, nous conseillons un excellent livre écrit par un Indien, L. N. Sharma : Kashmir Saivism, Ed. Bharatiya Vidya Prakashan, U. B. Jawahar Nagar, Bungalow Road, Delhi 110007.
[6]  Tantrâloka IV, 273-275. Trad. Lilian Silburn.
[7] On présente trop souvent le tantrisme sous un aspect « froid » et « dur », en raison des excès (réels ou imaginés) de certaines sectes. Pourtant Abhinavagupta, que l’on ne peut guère soupçonner de sentimentalisme, écrit: « L’initiation doit être donnée sans hésiter à ceux qui ont reçu la grâce (shaktipâta) et sont pleins de pitié (kripâ) et d’amour universel (maitri) » (Tantrâloka XXIII, 22-23). Le Vijñâna-Bhairava, de son côté, cite comme des disqualifications rédhibitoires la méchanceté et la dureté de coeur (158).
[8] Ce texte a été pour la première fois traduit en français et commenté magistralement par Lilian Silburn, à laquelle on doit plusieurs autres travaux remarquables sur le shivaïsme du Cachemire (Publications de l’Institut de civilisation indienne, fasc. 15, Ed. E. de Boccard, Paris, 1961). J’ai proposé aussi une traduction commentée du Vijñâna-Bhairava (Cent douze méditations tantriques, Ed. L’Originel, Paris, 1988).
[9] Traduit et cité par Lilian Silburn dans sa préface au Vijñâna-Bhairava, op. cit., p. 39-40.
[10] Les valeurs de grâce et d’abandon sont beaucoup plus développées dans le Trika (et le shivaïsme en général) que dans les formes de yoga précitées (au Cachemire bhakti et tantrisme n’ont pas été contradictoires). Pour ce qui est du gradualisme, on le trouve dans l’école Krama mais souvent, dans les autres courants, la coloration « subitiste » domine. Quant à la « violence » enfin, même lorsqu’on croit la déceler dans certaines pratiques du Trika (par exemple dans le V.B. 93), elle ne ressemble en rien à l’effort systématique et extrême du hatha-yogin sur soi-même: la douleur qu’on s’inflige est utilisée dans un but d’« ouverture », non de domination des sens.
[11] Le cosmos lui-même est une Roue immense, homogène et parfaite, dont le moyeu est la Conscience divine, Coeur universel. Cette doctrine est surtout développée dans l’école Krama.
[12] Pour comprendre l’affinité entre la sensibilité tactile et le coeur, il faut se référer au système de correspondances entre les éléments (bhûta), les facultés et organes de sensation (indriya) et les chakra. Le coeur correspond à l’Air, au toucher et à la peau (ainsi qu’à la faculté de jouissance et au sexe, si l’on suit le Satcakranirûpana, mais ce point de vue n’est pas commun à toutes les écoles).
[13] « La vacuité est la Conscience qui, réfléchissant sur elle-même, se perçoit comme distincte de toute l’objectivité en se disant: « je ne suis pas cela (neti, neti) ». Tel est l’état le plus élevé auquel accèdent les yogin » (Tantrâloka VI, 10). On voit donc que, si les Hindous ne renoncent jamais au Soi, ils ne le conçoivent pas non plus comme une limite. Le Soi est à la fois être et non-être, et par-delà être et non-être, par-delà plénitude et vacuité.
[14] La meilleure approche contemporaine de cette voie fut donnée par Jean Klein, un des très rares Occidentaux à avoir reçu en Inde la double tradition de l’advaita-vedânta et de l’ancien yoga du Cachemire.
[15] L’épanouissement de l’énergie dans le coeur peut néanmoins s’accompagner de tremblements incontrôlables, de larmes, etc., réactions parfois dues à des résidus non consumés d’existences antérieures.
[16] Selon un jeu de mots célèbre, Shiva sans Shakti (symbolisée par la lettre I) est un shava (« cadavre »). Quant à Shakti sans Shiva, elle ne serait que destruction pure, aveugle (Kâlî à la fin du cycle cosmique).
[17] Abhinavagupta, Tantrasâra, 60.