Huit stances sur l'Incomparable
traduction de Lilian Silburn
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1. Ici, nul besoin de progrès spirituel ni de contemplation, ni
d'habileté de discours, ni d'enquêtes, nul besoin de méditer, ni de se
concentrer, ni de s'exercer aux prières marmonnées. Quelle est, dis-moi,
la Réalité ultime absolument certaine ? Écoute ceci : ne prends ni ne
laisse et, tel que tu es, jouis heureusement de tout.
2. Du point de vue de la Réalité absolue, il n'y a pas de
transmigration. Comment alors est-il question d'entrave pour les êtres
vivants ? Puisque l'être libre n'a jamais eu d'entraves, entreprendre de
le libérer est vain. Il n'y a là que l'illusion de l'ombre imaginaire
d'un démon, corde prise pour un serpent qui produit une confusion sans
fondement. Ne laisse rien, ne prends rien, bien établi en toi-même, tel
que tu es, passe le temps agréablement.
3. Dans l'Inexprimable1, quel
discours peut-il y avoir et quelle voie différencierait adoré, adorant
et adoration ? En vérité, pour qui et comment un progrès spirituel se
produirait-il, ou encore qui pénétrerait par étapes dans le Soi ? Oh
Merveille ! cette illusion, bien que différenciée, n'est autre que la
Conscience-sans-second. Ah ! tout est essence très pure éprouvée par
soi-même. Ainsi, ne te fais pas de soucis inutiles.
4. Cette félicité n'est pas comme l'ivresse du vin ou celles
des richesses, ni même semblable à l'union avec la bien-aimée.
L'apparition de la Lumière consciente n'est pas comme un faisceau de
lumière que répand une lampe, le soleil ou la lune. Quand on se libère
des différentiations accumulées, l'état de bonheur est une allégresse
comparable à la mise à terre d'un fardeau, l'apparition de la Lumière
est l'acquisition d'un trésor oublié : le domaine de l'universelle
non-dualité.
5. Attirance et répulsion, plaisir et douleur, lever et
coucher, infatuation et abattement, etc., tous ces états participant aux
formes de l'univers se manifestent comme diversifiés, mais en leur
nature ils ne sont pas distincts. Chaque fois que tu saisis la
particularité d'un de ces états, attentif aussitôt à la nature de la
Conscience comme identique à lui, pourquoi, plein de cette
contemplation, ne te réjouis-tu pas ?
6. L'efficacité de ce qui existe actuellement n'existait pas
auparavant ; de façon soudaine, en effet, surgissent toujours les choses
en ce monde. À quelle réalité peuvent-elles prétendre, ainsi troublées
par la confusion déformante de l'état intermédiaire2 ?
Quelle réalité y a-t-il dans l'irréel, l'instable, le falsifié, dans un
amoncellement d'apparences, dans l'erreur d'un rêve ? Reste par-delà
l'imperfection propre aux angoisses du doute et éveille-toi.
7. L'inné ne peut être sujet au flot des existences
objectives ; celles-ci ne se manifestent qu'éprouvées par toi. Bien que
privées par nature de réalité, en un instant, par la faute d'une erreur
de perception, elles prennent part au réel. Ainsi jaillit de ton
imagination la grandeur de cet univers puisqu'il n'existe pas d'autre
cause à son apparition. C'est pourquoi, par ta propre gloire, tu
resplendis dans tous les mondes et, bien qu'unique, tu es l'essence du
multiple.
8. Lorsque surgit la Conscience en tant que contact immédiat
avec soi-même alors le réel et l'irréel, le peu et l'abondant, l'éternel
et le transitoire, ce qui est pollué par l'illusion et ce qui est la
pureté du Soi apparaissent radieux dans le miroir de la Conscience.
Ayant reconnu tout cela à la lumière de l'essence, toi dont la grandeur
est fondée sur ton expérience intime, jouis de ton pouvoir universel.
Notes
1. La tradition cachemirienne utilise le mot Anuttara :
l'Insurpassé, le Sans-Égal. Ce mot peut aussi signifier l'Incomparable,
littéralement : « Ce qui n'est pas le plus haut de deux » (parce qu'il
n'y a pas d'autre que Lui). C'est la nature réelle de toute diversité
apparente. Il n'y a que la Lumière consciente. Même dire que la Lumière
consciente est le « Tout » est une restriction : il n'y a pas de
« Tout », pas davantage qu'il n'y a de parties. La Lumière consciente
est impensable.
2. Cet « état intermédiaire » se réfère au deuxième moment de toute perception ou activité. Dans le premier moment, il n'y a aucune pensée, seulement un pur élan lumineux dans lequel l'objet perçu resplendit dans sa nature véritable, la certitude du Je véritable. Dans un deuxième moment, dans la plénitude originelle apparaît une séparation par laquelle on délimite l'objet par rapport à tout ce qu'il n'est pas. Au troisième moment, l'objet est perçu en tant qu'objet pleinement différencié, avec toutes ses caractéristiques : c'est la perception ordinaire de l'état de veille.
2. Cet « état intermédiaire » se réfère au deuxième moment de toute perception ou activité. Dans le premier moment, il n'y a aucune pensée, seulement un pur élan lumineux dans lequel l'objet perçu resplendit dans sa nature véritable, la certitude du Je véritable. Dans un deuxième moment, dans la plénitude originelle apparaît une séparation par laquelle on délimite l'objet par rapport à tout ce qu'il n'est pas. Au troisième moment, l'objet est perçu en tant qu'objet pleinement différencié, avec toutes ses caractéristiques : c'est la perception ordinaire de l'état de veille.
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